Première analyse épidémiologique : les vapoteurs ex-fumeurs réduisent leur risque de mortalité au même niveau que les autres ex-fumeurs

La première analyse épidémiologique sur le risque de mortalité associé au vapotage montre que celui-ci n’a pas d’incidence, contrairement au tabagisme qui augmente fortement le risque par rapport aux ex-fumeurs et encore plus par rapport aux personnes qui n’ont jamais fumé.

Menée sur la base des données du National Health Interview Survey (NHIS) concernant près de 150 000 Américains âgés de 18 à 84 ans entre 2014 et 2018 couplées à l’index national de décès, une première étude épidémiologique montre que les taux de décès toutes causes confondues sont similaires chez les vapoteurs ex-fumeurs et les autres ex-fumeurs. Dans les différents modèles statistiques étudiés, ce taux est significativement bien moindre à celui des fumeurs, y compris lorsque ceux-ci utilisent aussi le vapotage.

« La réduction du risque de mortalité parmi les utilisateurs actuels de cigarette électronique en association avec un ancien tabagisme par rapport au tabagisme exclusif actuel suggère que la transition complète des cigarettes aux cigarettes électroniques peut être associée à une réduction du risque de mortalité. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour vérifier ces résultats dans des cohortes plus importantes et sur des périodes de suivi plus longues ».

Wubin Xie, Jonathan B. Berlowitz, Rafeya Raquib, Alyssa F. Harlow, Emelia J. Benjamin, Aruni Bhatnagar, Andrew C. Stokes : Association of cigarette and electronic cigarette use patterns with all-cause mortality: A national cohort study of 145,390 US adults ; Preventive Medicine, Vol. 182, 2024

Sans surprise, les jamais fumeurs ont de loin le taux de mortalité le plus bas. L’évaluation des utilisateurs de vapotage n’ayant jamais fumé n’a pas pu être calculée en raison du très faible nombre de personnes concernées, 480 personnes, ne permettant pas une estimation fiable. L’étude, menée par une équipe principalement basée à l’Université de Boston associés à un chercheur de Singapour et des scientifiques d’autres universités américaines, a été publiée début avril dans la revue Preventive Medicine, en accès libre.

La première analyse épidémiologique concernant le risque de mortalité associé au vapotage

Cette étude est la première à examiner et comparer le risque de mortalité associé au tabagisme ou au vapotage sur la base d’un large échantillon national représentatif. Les chercheurs ont catégorisé les 145 390 répondants suivis par le NHIS de 2014, première date à recenser le vapotage chez les sondés, jusqu’en 2018 entre jamais fumeurs, ex-fumeurs, ex-fumeurs vapoteurs actuels, fumeurs exclusifs et, enfin, fumeurs et vapoteurs (double usagers). Ils ont ensuite croisé ces données avec l’index des décès jusqu’au 31 décembre 2019, recensant 5220 décès sur le panel suivi.

À partir de ces premiers résultats, ils ont analysé les risques de mortalité selon les différents statuts en pondérant les résultats selon des variables, introduites de manière progressive dans trois modèles. « Le modèle 1 incluait uniquement l’âge et le sexe. Le modèle 2 incluait en plus toutes les autres caractéristiques sociodémographiques. Le modèle 3 incluait en plus la consommation actuelle de tabac sans fumée, l’indice de masse corporelle (IMC), la consommation d’alcool et l’activité physique », listent les auteurs. 

Une première analyse qui semble sérieuse, mais à confirmer

Il est généralement admis que l’intégration de plus de covariables minimise le risque de biais lié à des facteurs de confusion, c’est-à-dire des aspects étrangers au sujet étudié mais qui auraient une influence sur les résultats. Dans l’autre sens, l’intégration de covariables est évidemment très sensible à la pondération que les chercheurs leur attribuent.

En l’occurrence, la pondération par rapport au tabagisme lui-même a été faite sur la base de la durée de tabagisme (en années), mais sans affiner la pondération au volume de cigarettes fumées, ce qui se fait souvent en termes d’années-paquets. Les auteurs estiment leur analyse robuste, mais à confirmer. « Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour vérifier ces résultats dans des cohortes plus importantes et sur des périodes de suivi plus longues », précisent-ils dans la revue Preventive Medicine.

Pas de sur-risque lié au fait de vapoter

Dans cette étude, les ratios varient selon les modèles, mais de manière tout à fait consistante. Les ex-fumeurs qu’ils vapotent actuellement ou non ont un risque analogue de mortalité, bien moindre que les fumeurs, qu’ils vapotent aussi actuellement ou non. Autrement dit, l’analyse ne montre pas de surrisque significatif lié au fait de vapoter.

Au vu des résultats de cette analyse, le poids du risque accru ou moindre de mortalité repose sur le facteur du tabagisme : les personnes qui n’ont jamais fumé ont le moindre risque de décès, les ex-fumeurs ont plus de risques que les premiers, mais beaucoup moins que ceux qui continuent de fumer. Le fait de vapoter n’a pas d’effet significatif en soi sur ce risque. Vapoter en continuant de fumer ne réduit pas le risque de mortalité, et vapoter en ayant arrêté de fumer n’accroit pas le risque de mortalité.

Continuer de fumer en vapotant ne réduit pas les risques par rapport à fumer

Pour des raisons qui me semblent liées au climat antivape américain, les auteurs mettent l’accent sur l’absence de réduction des risques de continuer de fumer en vapotant. « Nous avons observé que la double utilisation de cigarettes et de cigarettes électroniques était associée à plus de deux fois le risque de mortalité lié à une utilisation non actuelle de la cigarette électronique en association avec le fait de ne jamais fumer et n’était pas significativement différent du risque lié au tabagisme exclusif actuel ». Cependant, ils reconnaissent également avoir « constaté que les anciens fumeurs qui utilisent actuellement des cigarettes électroniques présentent un risque de mortalité inférieur à celui du tabagisme exclusif actuel ».

Bien qu’ils soient établis avec des données recueillies sur une période relativement courte, ces résultats confirment l’importance de complètement cesser de fumer, que l’on utilise ou non le vapotage, pour réduire les risque de mortalité prématurée, généralement liés à des maladies douloureuses. Si le vapotage aide le fumeur à arrêter de fumer, alors les résultats de cette étude montrent que cet usage réduit les risques de mortalité par rapport à continuer de fumer.

Références:

  • Wubin Xie, Jonathan B. Berlowitz, Rafeya Raquib, Alyssa F. Harlow, Emelia J. Benjamin, Aruni Bhatnagar, Andrew C. Stokes : Association of cigarette and electronic cigarette use patterns with all-cause mortality: A national cohort study of 145,390 US adults ; Preventive Medicine, Vol. 182, 2024, https://doi.org/10.1016/j.ypmed.2024.107943.
  • « Sur la cigarette électronique, le Haut Conseil de la santé publique a une position “antivape” avec des arguments “antivax” », Pr Sébastien Couraud et 15 chercheurs, tribune dans Le Monde du 4 mars 2022.

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