Vape Suisse : Trois recours contre la prohibition des liquides nicotinés de l’OSAV

Vape Mob' d'Helvetic Vape à Berne
Helvetic Vape vend en public
des liquides nicotinés
le 30 mai à Berne (photo C. Cornuz)
Nouvel épisode de la lutte contre la prohibition des liquides nicotinés à vapoter en Suisse. Au moins trois recours contre la décision générale (2015-3088) de l’Office fédéral de la santé alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) ont été déposés auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). Deux vendeurs de matériel de vapotage d’une part, Stephan Meile (Insmoke) et Daniel Rico (Zodiak), et d’autre part l’association d’usagers Helvetic Vape s’opposent à l’interdiction de vente et d’import professionnel de liquides nicotinés à vaper. D’autres recours peuvent avoir été déposés sans que nous le sachions alors que le délai expirait ce jeudi.
Comme annoncé, Stephan Meile en appelle à la justice contre l’interdiction de l’OSAV. Inspiré de l’action d’Helvetic Vape du 30 mai dernier à Berne, le patron d’Insmoke avait mis en vente du liquide nicotiné sur son site internet en juin. Saisi par le chimiste cantonal thurgovien, l’OSAV a ensuite décidé cette interdiction publiée le 17 novembre. Le commerçant, également président de la Swiss Vape Trade Association (SVTA), regrette que l’administration n’ai pas tenu compte de ses arguments. «Le principe du cassis de Dijon permet aux commerçants suisse d’importer et vendre un produit offert sur le marché d’au moins un pays de l’U.E. Or les liquides nicotinés sont en vente dans de nombreux pays européens», explique t-il au Tagblatt de Saint-Gall. Intégré en 2010 à la loi suisse, ce principe de reconnaissance mutuelle tend à harmoniser son marché avec ses voisins européens. Selon Stephan Meile, la décision de l’OSAV contrevient à cette base légale fédérale. Sur Facebook, Daniel Rico de Zodiak justifie aussi son recours notamment par le principe du cassis de Dijon.

Principe de protection du tabagisme versus réduction des risques

En Suisse, les gosses peuvent se payer des clopes, mais un
fumeur adulte ne peut pas y acheter du liquide nicotiné
pour se sevrer ou réduire son tabagisme

En opposition, l’OSAV fait valoir dans sa décision un «intérêt prépondérant de santé publique». La loi permet en effet de déroger au principe du cassis de Dijon pour cette raison. Stephan Kunfermann, chargé de communication de l’OSAV, précise que son soucis principal est moins le vapotage à titre privé que la protection de la « vapeur passive » et la restriction de vente selon l’âge. «Avec la situation juridique actuelle, nous ne pouvons pas assurer la protection de la santé publique», explique t-il au même Tagblatt. Effets émotionnels assurés mais arguments difficiles à comprendre rationnellement. La décision concerne la vente et l’importation de liquides nicotinés, en aucune façon leur usage.

Annonçant son recours, Helvetic Vape relève cette inadéquation entre justification et décision de l’OSAV. Cette décision ne fixe pas d’âge légal de vente, ne réglemente pas la publicité ni l’usage du vapotage dans les lieux publics. Mais pire, la prohibition des liquides nicotinés survient alors qu’il n’y aucune restriction au niveau fédéral à la vente de tabac. «Un enfant peut donc toujours acheter légalement des produits du tabac, mais un fumeur adulte ne peut pas acheter facilement de liquide nicotiné pour se sevrer du tabac à l’aide du vapotage», précise l’association. Daniel Rico de Zodiak va dans le même sens en estimant que la mesure est excessive, arbitraire et contre-productive à la protection de la santé publique.
Dans le Cube de Philip Morris (à Neuch’)
«Objectivement, le seul effet des mesures prises par l’OSAV est de défendre, au détriment de la santé publique, les intérêts de l’industrie du tabac contre la menace que représente pour elle les produits de vapotage nicotinés performants et indépendants», dénonce encore Helvetic Vape. Pour les vapoteurs, cette décision «va à l’encontre de la santé publique en ce qu’elle limite fortement l’accès de la population suisse de vapoteurs et de fumeurs à un outil de réduction des risques et des dommages liés à la consommation de nicotine».
L’association s’étonne aussi que l’administration ait ignoré le rapport scientifique du Public Health England paru en août dernier évaluant la vapote à «au moins 95% plus sure que la cigarette». Et par conséquent l’impact du «vapotage passif» d’au
moins autant. Et probablement plusieurs centaines de fois plus selon les études. Comme l’expliquent les Pr L. Bauld Et M. Munafo (vidéo en anglais) lors d’une récente conférence à Londres. Notamment en raison de la dissipation rapide de la vapeur, de l’absence de rejet de vapeur primaire et de l’absence des additifs du tabac, tel l’ammoniaque qui rend «free-base» la nicotine du tabac fumé.

Le fameux article de loi anti-vape

Dans sa décision contestée, l’OSAV invoque l’art. 37 al. 3 de l’Ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels (ODAlOUs) pour interdire les liquides nicotinés. C’est sa modification en 2005 par l’ajout du terme «nicotine» dans son objet qui l’a transformé en une sorte d’article «anti-vape». Transformation que Maitre Roulet, dans son avis de droit sur la lettre 146 de l’office fédérale de la santé publique (OFSP) a analysé comme inconstitutionnelle en changeant une norme d’ordre primaire, action dévolue au législatif (parlement) et non à l’exécutif (conseil fédéral). Un bricolage qui pourrait bien être au centre de l’attention du TAF. Difficile de croire que la chambre saint-galloise ne sourcille pas sur un texte de loi aussi bancal. Au même titre que les justifications sans pertinence de l’OSAV à sa décision.
En dépit de ceci, le chargé de comm’ de l’administration se dit convaincu que la prohibition des liquides nicotinés sera maintenue jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi sur les produits du tabac (LPTab) dans trois à quatre ans. Un délai que vapoteurs et professionnels de la branche espèrent résolument raccourcir. Les recourants ont d’ailleurs demandé la restitution de l’effet suspensif du recours annulé par l’OSAV. Une réponse sur ce point de la part du TAF devrait intervenir assez rapidement, d’ici le 11 janvier selon Daniel Rico. La suspension de la décision de l’OSAV permettrait la mise en vente des liquides nicotinés dans l’attente du jugement définitif.
Quel état gère ?
Dernier pays d’Europe de l’ouest a interdire la vape nicotinée, la Suisse compte toujours 25% de fumeurs et 9’500 décès liés chaque année. Tandis qu’en Angleterre, le vapotage a permis à plus d’un million de fumeurs de se sortir du tabagisme. Depuis dix ans que la vape existe, la gabegie tant de rigueur juridique, de compétences techniques que le flou des perspectives de politique de santé de la part des services du conseiller fédéral Alain Berset font craindre la poursuite de ce marasme tabagique suisse.
A défaut de «changer d’ère», peut-être que la justice donnera un peu d’air aux vapoteurs et aux fumeurs voulant se sevrer à l’aide de la vape

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