[Expresso] Pr David Nutt :"Le vapotage sauve des vies. Ce serait une folie de l’interdire"

« Les cigarettes tuent. Tout ce qui fait que certains fumeurs les abandonnent doit être encouragé ». Le Pr David Nutt, éminent spécialiste en neurologie et psychopharmacologie, signe une tribune en soutien du vapotage dans le Guardian d’hier. Les consommations de tabac, malbouffe et alcool sont parmi les pires causes d’atteintes à la santé. Malgré ce « fardeau » pour la santé publique, les gouvernements laissent faire en échange de rentrées fiscales vertigineuses et sous la pression des lobbyistes des industries intéressées économiquement à leur consommation en masse. « On pourrait alors s’attendre à ce que les experts de santé publique soient ravis que certaines entreprises décident de produire des produits plus sûrs, tels que les appareils de vapotage », avance le chercheur de l’Imperial College de Londres. Pourtant au lieu d’acclamer, une petite mais influente partie vilipende le nouveau mode de consommation de nicotine. Histoires effrayantes gonflées, hoax, études biaisées et diffamations infondées visent à terroriser le public.

« Il y a des raisons complexes pour lesquelles certains experts de la santé publique sont tellement méfiants. En partie, cela reflète la préoccupation que nous partageons tous que l’industrie fait passer les profits avant la vérité. L’industrie du tabac est particulièrement problématique, et nous savons qu’elle a menti sur la nocivité et l’addictivité du tabac », reconnait David Nutt. Mais isoler et exclure les cigarettiers n’est pas la solution à ses yeux. Il faut « les responsabiliser et s’assurer qu’ils sont totalement transparents sur les allégations à propos de leurs produits et des données de leurs recherches », propose l’ancien président du Conseil consultatif sur les mésusages de drogues (ACMD) britannique.

Les jeunes qui vapotent, le font pour la plupart sans nicotine

Un des soupçons tenaces à l’encontre des cigarettiers est qu’ils fomenteraient un complot pour amener les jeunes au tabagisme par l’entremise du vapotage. « Cette tactique ne semble pas avoir de grandes probabilités de succès, d’autant plus que la plupart des jeunes vapoteurs ne vapent pas des liquides contenant de la nicotine, préférant les saveurs sans nicotine tels que gâteau aux fraises et arôme de poire. En fait, les données suggèrent que le vapotage est, avec une quasi-certitude, la raison pour laquelle le tabagisme chez les jeunes a atteint son niveau le plus bas de l’histoire« , réplique David Nutt.

Une crainte plus réaliste des agissements des cigarettiers concerne leur manipulation des autorités pour mettre en place des barrières réglementaires à leur avantage. Le cas américain, où les nouvelles règles de la Food and Drug Administration (FDA) vont donner le marché aux entreprises capables financièrement de répondre à ses exigences démesurées, est l’exemple type de ce problème. « Au Royaume-Uni, il y a une chance d’éviter ce monopole en utilisant le Brexit pour rejeter les contraintes européennes prévues [de la directive TPD] », précise le britannique en écho à l’appel de la NNA. Certains redoutent que les cigarettiers, après avoir mis la main sur le marché du vapotage, forcent leurs clients à retourner au tabac. « Cela est déjà arrivé dans certains pays comme la Malaisie et l’Inde, mais ce scénario est peu probable au Royaume-Uni. La vape a déjà développé un vaste marché. De plus, si nous le décidons, nous pourrions empêcher cela légalement. De la même manière que la réglementation au Royaume-Uni impose que des produits à faible teneur en alcool doivent être disponibles partout où de l’alcool est vendu », suggère David Nutt.

Une cible plus facile

En somme, les craintes avancées par les anti-vape de la santé publique ne sont pas fondées et les éventuels problèmes résolvables. Ce sont des aspects plus psychologiques qui expliquent leur opposition à ce moyen de réduction drastique des méfaits liés au tabagisme. Si une petite partie fondamentaliste est possédée d’une peur irrationnelle envers le vapotage, c’est surtout un calcul plus politicien qui semble animé une bonne partie d’entre eux. « Les militants anti-tabac savent que l’interdiction des cigarettes est impossible. En effet, la loi fédérale des États-Unis garanti le droit éternel des compagnies de tabac de vendre des cigarettes sans être po
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En conséquence, les groupes anti-tabac ont focalisé leurs efforts pour interdire une alternative moins établie et moins bien financée: le vapotage », explique le chercheur rompu aux manœuvres des organisations.

Rassuré que le Public Health England ait évalué le vapotage comme un outil majeur d’amélioration de la santé publique et que des centres anti-tabac l’utilisent pour aider les fumeurs à quitter les cigarettes, David Nutt reste tout de même sur ses gardes. « Cette technologie pourrait entraîner de grandes avancées pour réduire les cancers et les maladies cardiaques. Avec le temps, les preuves vont sûrement convaincre ses adversaires les plus ardents. Mais d’icilà, nous ne devons pas laisser des préoccupations hypothétiques à propos du vapotage limiter son utilisation, ou nous ne pourrons jamais obtenir de preuves suffisantes de sa véritable valeur dans notre lutte contre le danger clair et actuel des cigarettes ».

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