L’Australie maintient la prohibition de la vape nicotinée: "Arrêter de fumer a fait de moi un criminel"

« Salut Joe, vous êtes toujours un criminel ». Le Pr Colin Mendelsohn envoie ce message dépité à sa sortie de l’audition avec la Therapeutic goods administration (TGA) australienne hier après-midi. C’est ainsi que Joe Hildebrand, journaliste provocant, apprend le rejet de la demande de révision du règlement pour autoriser la vente de liquides de vapotage aux concentrations de nicotine en dessous de 3,6%. 
La démarche de la New Nicotine alliance (NNA), association d’usagers de produits nicotinés à risques réduits, était soutenue par une quarantaine de chercheurs et universitaires, dont le cancérologue de renommée mondiale Ron Borland. « Cela aurait pu éviter des décès et des maladies évitables », souligne le Dr Alex Wodak, président de l’Australian Drug Law Reform Foundation, au News Daily. Il estime aussi que la TGA ne devrait pas être en charge du produit sans tabac ni combustion.
Pour justifier le maintien de la prohibition du vapotage nicotiné, la TGA estime que le vapotage pourrait « renormaliser le tabagisme ». Le Dr Attila Danko, président de la NNA s’agace: « En substance, la TGA dit aux centaines de milliers d’australiens qui ont déjà cessé de fumer à l’aide du vapotage : « Vous avez arrêté de fumer de la mauvaise manière. Nous allons vous en empêcher. Mais par contre, pas de problème à ce que vous achetiez un paquet de cigarette ». » De son côté, Joe Hildbrand témoigne ce matin sur News.com. Les ressemblances avec la Suisse frapperont probablement les lecteurs helvètes. Son texte pourrait lui valoir des poursuites en vertu des lois de censure contre la promotion du vapotage, cet objet qui lui a permis d’arrêter de fumer. En voici la traduction par nos soins (non révisée par l’auteur).

Cesser de fumer a fait de moi un criminel
par Joe Hildebrand, 2 février 2017, original à News.com.au
Quand j’ai arrêté de fumer l’an dernier, j’ai reçu un message de Colin Mendelsohn, Professeur agrégé à l’École de santé publique de l’Université de New South Wales.
« Félicitations », a t-il déclaré, « Vous venez d’ajouter près de 10 ans à votre vie. » Avant d’ajouter: « Désormais, vous êtes un criminel. »
Aujourd’hui, le gouvernement australien décide si je vais le rester. Et si 2,6 millions d’autres Australiens auront la chance de potentiellement sauver leur vie.
Mon crime est d’avoir arrêter de la seule façon que je savais être possible pour moi: En remplaçant la vraie cigarette avec une e-cig me procurant la nicotine potentiellement sans tous les trucs qui vous tue réellement.
Cette pratique est actuellement illégale. La Therapeutic Goods Administration (TGA) doit annoncer aujourd’hui si cela va changer ou non.
J’ai été fumeur pendant 25 ans. J’ai commencé à mes 15 ans parce que je voulais être cool. Le tabagisme faisait tellement partie de mon identité que mon surnom était « Smokin’ Joe ». Je ne pouvais pas penser sans ça, je ne pouvais pas boire sans ça, je ne pouvais même pas marcher ou parler sans ça.
Je viens d’une famille d’alcooliques, de bouffeurs frénétiques et de lunatiques. J’ai toujours eu une personnalité à tendance fortement dépendante et je suis profondément obsessionnel et compulsif. Si je ne pulvérise pas mes aisselles au déo un certain nombre de fois exactement divisible par quatre, je ne peux pas sortir de la maison.
Dans le passé, j’ai pris à peu près toutes les drogues que l’on trouve sous le soleil. Puis au cours des années, j’ai réussi à réduire ma consommation à celles licites – l’alcool et le tabac. En d’autres termes, je suis mauvais, mais je ne suis pas aussi mauvais que j’avais l’habitude d’être.
Je suis à présent aussi mari et père et je ne veux plus vivre vite et mourir jeune. Je veux vivre lentement et mourir vieux.
Statistiquement parlant, si vous arrêtez de fumer à 35 ans votre corps peut récupérer la pleine santé. Après cet âge, pour chaque année où vous fumez, vous perdez trois mois de vie. Et donc en ayant passé les 40 ans, je suis déjà en train de taper dans mon temps de parole sur terre.
Mais en dépit de l’arrêt de presque tous les autres vices dans ma vie, je n’avais jamais tenté d’abandonner le tabac. La vie sans cigarettes était tout simplement inimaginable. C’était comme me proposer de quitter mes mains.
« Bordel », murmurai-je une nuit à travers un nuage de fumée. «Ils arrivent à envoyer un homme sur la lune, mais ils ne peuvent pas inventer une cigarette qui ne vous tue pas. »
Puis j’ai réalisé: Ils l’ont fait.
A ce moment-là, pour la première fois en 25 ans, je décide d’arrêter de fumer. Je suis allé sur internet et j’ai cherché un dispositif de délivrance de nicotine qui ressemblait beaucoup à une cigarette et je l’ai acheté. A cet instant, je suis devenu un criminel.

Parce qu’ici est le point qui fera bouillir votre sang et éclater vos poumons: En Australie, il vous suffit d’aller au magasin du coin ou en supermarché et vous pouvez acheter un produit qui, selon toute probabilité, va vous tuer.
Et pourtant, il est illégal d’acheter un produit spécialement conçu pour vous sauver de cette mort.

Ceci est l’Etat-nounou devenu fou. Et d’autres pays le savent. Au Royaume-Uni, où le vapotage est parfaitement légal et même encouragé, l’organe de pointe de la santé publique en Angleterre (Public Health England) a récemment conclu que « l’usage de la CE (cigarettes électroniques) est d’environ 95 pour cent plus sûr que fumer » et que « les fumeurs qui ont essayé d’autres méthodes d’arrêt du tabagisme sans succès pourraient être encouragés à essayer les e-cigarettes ».
En effet, une étude de l’Union européenne a estimé qu’environ 6,1 millions d’européens ont arrêté de fumer en utilisant la vape, tandis que le nombre de non-fumeurs qui les ont essayé était seulement de 1,3% et le nombre de ceux-ci les utilisant quotidiennement était inférieur à 0,1%.
Le Collège royal des médecins du Royaume-Uni a recommandé que «dans l’intérêt de la santé publique, il est important de promouvoir l’utilisation des e-cigarettes … aussi largement que possible comme substitut au tabagisme».
Même aux États-Unis, le pays de la Prohibition, le vapotage est légal. Alors que l’US Surgeon général a soulevé des préoccupations au sujet des jeunes l’utilisant, l’agence Reuters rapporte en même temps: «Les statistiques des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) montrent que l’utilisation du vapotage a augmenté chez les jeunes, mais leur taux de tabagisme a chuté. »
Pendant ce temps, le Canada et la Nouvelle-Zélande débattent sur la réglementation. «Nous savons qu’il existe des preuves pour suggérer que l’utilisation de produits de vapotage peut être utilisé comme un outil de réduction des méfaits pour les personnes qui sont des fumeurs actuels», a déclaré la ministre canadienne de la santé Jane Philpott l’année dernière.
Pourtant, en Australie, il est un crime d’acheter ou d’utiliser un dispositif de vapotage avec de la nicotine – la nature du crime est en fonction de l’Etat.
Et si vous pensez que la politique de la Maison Blanche en ce moment est déroutante, essayez de vérifier les lois australiennes sur le vapotage. Ils jugent cela comme pire que fumer du tabac.

Par exemple, dans les New South Wales il est légal d’acheter des appareil de vapotage mais illégal d’acheter la nicotine. Toutefois, il est légal d’utiliser la nicotine dans votre e-cig. Dans le Western Australia, il est illégal d’acheter du matériel de vapotage, mais il est légal de les utiliser. Toutefois, il est aussi illégal d’acheter de la nicotine – bien que légal de l’importer.
Le fait même que je sois en train d’écrire cet article est techniquement illégal. La Loi de santé publique sur le tabac dans les New South Wales de 2008 – Section 15a – interdit tout «écrit, ou toute image, signe, symbole ou autre image visuelle ou message ou message sonore, ou combinaison de deux ou plusieurs d’entre eux, qui fait la publicité, ou promeut autrement ou vise à promouvoir l’achat ou l’utilisation d’une e-cigarette ».
Je ne suis pas seulement un criminel, je suis un baron du crime.
Le problème est que la bureaucratie Australienne de santé publique – Dieu bénisse ses chaussettes en coton – est paralysé par la prudence. Les organes à sa tête sont inquiets de l’insuffisance de preuves sur le risque potentiel de la vape. Ils attendent plus de recherche. Et attendre. Et attendre. Et attendre.
Ils sont également en attente de la décision de la TGA aujourd’hui si la nicotine devrait êtr
e autorisée pour le vapotage en Australie.
Ce sont des gens très intelligents et bien sûr, ils ont de bonnes intentions. Mais parfois, vous pouvez être trop intelligent de moitié et nous savons tous de quoi est pavé le chemin vers l’enfer.
Le gigantesque gouffre béant de logique au cœur de ces arguments est que l’impact de la nicotine dans le vapotage est constamment mesuré par rapport à des non-fumeurs au lieu de l’être pour ceux occupés à se tuer avec la vraie cigarette – à savoir les personnes à qui est destiné le vapotage.
Parce que même si le pire était vrai au sujet de la vape, elle ne causerait qu’un vingtième du préjudice des cigarettes réelles – QUI SONT DISPONIBLES DANS TOUS LES MAGASINS DE CONVENANCE DU PAYS.

Vous pouvez être aussi crétin qu’une boîte de marteaux et tout de même comprendre que cela ne tient pas debout.
Alors peut-être serait-il mieux que tout le monde quitte la nicotine totalement. Mais nous savons aussi que 2,6 millions d’adultes australiens sont fumeurs. Et nous savons que les deux tiers d’entre eux seront tués par cette habitude.
Cela représente plus de 1,7 millions de personnes qui se dirigent vers une mort précoce alors que les autorités font « hum » et « ah ».
Et oui, peut-être est-ce leur choix de fumer. Tout comme il était mon choix de commencer quand j’étais un minot de 15 ans à la Dandenong High School. Il n’y avait qu’à regarder ma coupe de cheveux pour savoir que je ne prenais pas de particulièrement bonnes décisions en 1991.
Nous savons aussi que l’on est beaucoup plus susceptible de fumer si l’on est pauvre, avec des problèmes de santé mentale, ou des problèmes de toxicomanie et si l’on est indigène. Et j’ai eu au moins trois de ces choses au fil des ans.
Bien sûr, maintenant que je suis un criminel riche, je ne dois pas m’inquiéter. Mais est-ce vraiment ces personnes là à qui nous voulons faire la morale, sur lesquels jeter la honte et laisser mourir pendant que nous discutons de savoir si quelque chose qui pourrait leur sauver la vie est assez immaculée et vierge?
Ceci est le danger de politiques visant un idéal parfait au lieu d’être basées sur le monde imparfait. Le problème avec l’utopie est que vous n’y arrivez jamais.
Les éminents experts partisans de l’interdiction du vapotage ont-ils consulté l’expert le plus qualifié de tous: un fumeur réel ?
Avec certitude, chaque fumeur que j’ai rencontré depuis l’essor du vapotage a désespéré de savoir comment en obtenir afin aussi d’arrêter de fumer. Chaque vapoteur que j’ai rencontré est un ancien fumeur. Je vous l’accorde, ce n’est pas une étude scientifique. C’est juste la vraie vie.
Le Dr Mendelsohn est l’un des 40 experts australiens et internationaux qui ont appelé la TGA à se concentrer sur la vie réelle et légaliser une aide pour arrêter de fumer qui pourrait bien rendre obsolètes les vraies cigarettes.

« Nous avons des centaines de milliers de personnes juste ici », m’a t-il dit hier. « Ils sont des pères et des mères, des frères et des sœurs, des fils et des filles, et nous savons que deux sur trois d’entre eux vont mourir prématurément du tabagisme.
Ce n’est pas seulement une question de politique – la vie des gens est en jeu. »
Nous allons voir aujourd’hui si le gouvernement met ces vies avant l’idéologie ou s’ils ont abandonné de protéger des personnes de la mort.
Quant à moi, je n’ai plus fumer une seule cigarette en six mois. Et si cela est un crime, alors il vaut la peine de vivre.
MISE À JOUR: Peu après midi, le TGA a rendu sa décision et le Dr Mendelsohn m’a envoyé un autre message. « Salut Joe, » dit-il. « Vous êtes toujours un criminel. »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.