Étrange communiqué de l’AP-HP sur son abandon de soins aux malades de Parkinson

L’Assistance Publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP) se murait dans le silence sur ce dossier. Alors que nous les avions sollicité pour un article sur la rupture de soin des centaines de patients atteints de Parkinson traités jusque-là aux patchs de nicotine, nous n’avions reçu aucune réponse. Des articles de la presse hexagonale, notamment dans le Parisien et Paris-Match, semblent avoir eu plus d’effets. Hier, le service de presse de l’AP-HP a brisé le silence en faisant le « point sur l’arrêt de la consultation du Dr Gabriel Villafane au sein du service de neurologie de l’hôpital Henri Mondor AP-HP ».
Continuité des soins sans le soignant !
Ce communiqué de presse prétend qu’il « a été proposé à chacun des patients un rendez-vous (…) afin d’assurer la continuité des soins ». Une affirmation de l’AP-HP douteuse au vu des multiples témoignages de malades laissés sans nouvelle depuis des mois. Outre un témoignage d’un breton paru dans le Télégramme début septembre, plus d’un millier de personnes ont signé en deux semaines une pétition pour soutenir le droit à ces soins aux patchs de nicotine pour les malades de Parkinson, lancée par l’association A2N. Les doutes se voient exacerbés par le fait qu’en virant le Dr Gabriel Villafane, l’hôpital Mondor se prive du seul spécialiste de cette approche. Comment la continuité de ces soins pourraient être assurée dans ces conditions?
Mon mail, resté sans réponse, à Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, et à son Service presse. Avec des fautes :shamed:
L’AP-HP justifie son choix de mettre un terme à la consultation du Dr Villafane « en raison de pratiques professionnelles non conformes aux bonnes pratiques médicales et particulièrement contestables ». Les accusations ont le fumet d’un dossier prud’homal en préparation. Le Parisien donnait une version sensiblement différente que le communiqué du service de presse de l’AP-HP: « Le 26 juin, une lettre de licenciement est adressée au docteur Villafane pour « positionnement professionnel inadapté au sein du service », avec comme mention « prescription de nicotine non réglementaire notamment » « 
Une mention étrange alors que le Dr Benoît Vallet, directeur de la Direction Générale de la Santé (DGS), a lui-même autorisé le Dr Villafane à prescrire des patchs à la nicotine. De manière aussi étrange, le communiqué de l »AP-HP reproche au Dr Villafane des problèmes dans « la conformité de la conduite de l’essai clinique NICOPARK-2 », dont les résultats viennent pourtant d’être acceptés pour publication dans l’European Journal Of Neurology. Étonnante réaction pour des essais que les autorités sanitaires françaises ont laissé se dérouler pendant des années. Le point reste pour le moins trouble dans la communication de l’AP-HP.
Au royaume des aveugles
Selon nos informations, des problèmes de conformité du compte-rendu de la recherche proviendraient d’autre part. L’élément essentiel présenté pour « conclure à l’inefficacité de l’administration transdermique de nicotine sur les symptômes moteurs de patients atteints de maladie de Parkinson », tel que le résume l’AP-HP, est une évaluation par cinq experts qui auraient dû être indépendants. « En aveugle » pour le dire autrement. Sauf que trois d’entre eux n’étaient pas du tout indépendants ni « en aveugle », dont le Dr Philippe Rémy, directeur du Centre Parkinson de l’hôpital Mondor. Ce qui pose question sur l’objectivité de la principale conclusion.
L’amélioration de la qualité de vie des patients compte t-elle?
Un autre point est passé sous silence par l’AP-HP à propos de cette recherche. « L’amélioration des résultats secondaires ‘non aveuglés’ (UPDRS-II, UPDRS-IV, doses d’équivalent L-dopa) suggère un avantage potentiel pour les patients traités par la nicotine », résume de manière sibylline le papier pour l’European Journal of Neurology. En clair, l’étude sur une quarantaine de malades de Parkinson montre une amélioration de la qualité de vie et une diminution des doses prises de L-Dopamine, aux effets secondaires pénibles, pour ceux traités à la nicotine. « L’amélioration de la qualité de vie est une des priorités
du Plan des maladies neurodégénératives. Les parkinsonniens sous nicotine ont besoin de moins de médicaments, c’est un fait. Est-ce que cela dérange les labos? »
, s’interroge Corinne, une patiente, dans Paris-Match.
Incapacité de l’AP-HP à régler ses problèmes internes
L’ombre portée par les soins avec des patchs de nicotine aux ventes de L-dopa ou aux autres recherches de traitements par électro-chocs ou thérapies géniques est-elle en cause? Selon le communiqué de l’AP-HP, c’est l’échec du dialogue avec le thérapeute qui précipiterait la fin des soins compassionnels. « Après plusieurs mois de discussions avec le Dr Gabriel Villafane qui n’ont pas abouti, il a été décidé de mettre fin à sa vacation au sein du service de neurologie de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP ». Une vacation qui avait déjà été réduite de trois demi-journées à une seule en juin 2016, comme nous le révélions le mois dernier
Les patients doivent-ils pâtir des problèmes internes que la direction de l’AP-HP se montre incapable de résoudre? Pourtant, « la nicotine me permet d’oublier que je suis malade de Parkinson », nous expliquait cet été Corinne, patiente du Dr Villafane. De manière assourdissante, pour le moment aucune organisation faîtière de défense des patients n’a réagi à cette situation scandaleuse. Un reflet de l’état de la « démocratie sanitaire » française que Thomas Dietrich résumait, dans un interview pour l’Humanité après sa démission du poste de Secrétaire général de la Conférence nationale de santé (CNS) début 2016: « De manière générale, j’ai vu qu’il n’y a aucune volonté de prendre en compte la parole des usagers ».

De leur coté, des usagers de nicotine pour soigner leur parkinson viennent de mettre en ligne un petit film, au ton décalé, pour faire connaitre leur situation absurde et dramatique. Leur parole sera t-elle entendue ?

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