En Ontario, une étude va tenter de mesurer si le vapotage et l’auto-support aident les sans-abris à sortir du tabagisme

Paradoxe du calendrier canadien. D’un côté, les députés de l’Ontario ont adopté hier la loi 174 signifiant la mise à mort locale du vapotage. Cette loi, qui regroupe vapotage, tabac et cannabis, interdit tout arôme dans les liquides à vapoter et prohibe aussi toute démonstration, explication, conseil, essai et quelconque information à propos des produits de vapotage en magasin. En somme, une prohibition qui ne dit pas son nom dans la province canadienne. De l’autre côté, la Dr Smitha Pakhalé, directrice du centre de santé communautaire de l’hôpital d’Ottawa, lance une étude clinique pour évaluer l’aide au sevrage tabagique avec le vapotage pour les sans-abris. La nouvelle donne législative locale risque de bien compliquer la réussite des 200 SDF qui seront enrôlés dans l’essai clinique.

Comprendre si le vapotage peut être utile

« Nous essayons de comprendre si le vapotage peut être dans notre boîte à outils, car il a certaines caractéristiques qui pourraient être intéressantes: il peut délivrer des doses précises de nicotine inhalées et, d’autre part, il permet aux fumeurs d’avoir la gestuelle de la main à la bouche qui leur manque », explique la Dr Smitha Pakhalé au journal Ottawa Citizen. Sur les ondes de la radio nationale CBC, elle éclaire la démarche. « D’un côté, des participants recevront des substituts nicotiniques existant tels que patchs, gommes, lozange. De l’autre, dans les mêmes conditions de santé participative avec les gens [people], par les gens et pour les gens, les participants recevront des produits de vapotage à la place des substituts nicotiniques conventionnels », précise la docteure également pneumologue. 

L’aide par les pairs intégrée à la démarche

Le support par les pairs intégré à cette recherche est un point particulièrement original et intéressant. La tradition ‘pro-abstinence only’ de la prévention du tabagisme évacue l’aide par les pairs, prenant pour postulat que tout fumeur est fondamentalement perverti. L’approche menée par la Dr Smitha Pakhalé rompt avec cette exclusion et s’inspire des autres domaines des addictions où l’aide autogérée a montré ses qualités. Une précédente recherche, publiée en 2016 dans la revue médicale Research and involvement, a défriché le terrain. La ‘Participatory Research in Ottawa Management and Point-of-care of Tobacco’ (PROMPT) a formé quatre pairs aidant à l’arrêt tabagique pour développer une stratégie participative. « Nous avons conçu le modèle d’engagement et d’action des citoyens d’Ottawa en dix étapes (OCEAM) », explique l’article de l‘équipe de la Dr Pakhalé.
Une inégalité sociale pour la santé

L’intérêt de l’approche se justifie notamment par l’inégalité du tabagisme entre groupes sociaux. Alors qu’environ 12% de la population adulte d »Ottawa consomment des cigarettes, une enquête de 2013 (PROUD) montre que 96% des utilisateurs de drogues du centre-ville sont fumeurs de tabac. « Les personnes qui fument aujourd’hui sont pour la plupart à faible revenu, indigènes, sans abri, peu éduquées et marginalisées », déclare la docteure à l’Ottawa Citizen. « Cette inégalité distincte de l’usage du tabac se traduit par une distribution inéquitable des conséquences pour la santé, telles que la morbidité et la mortalité dans la population », pointe encore l’article de Research and involvement. 

Un changement de paradigme nécessaire

Les résultats du suivi avec l’aide par les pairs PROMPT seront publiés sous peu. Une majorité des 80 personnes soutenues par les quatre pairs aidants, des substituts nicotiniques et des conseils infirmiers ont réussi à arrêter de fumer sur six mois, précise en primeur le journal Ottawa Citizen. D’un point de vue d’un vapoteur impliqué dans des groupes d’entraide à l’arrêt du tabagisme à son aide, étendre la démarche à la vape parait couler de source. Mais la Dr Pakhalé s’était déclarée plutôt méfiante à l’égard du vapotage dans le passé. Ce nouveau développement en est d’autant plus remarquable. Même si sa confus
ion entre addiction au tabac et nicotine choque quelque peu mes oreilles


Reste à savoir comment les participants à l’étude pourront réussir à arrêter de fumer à l’aide du vapotage dans un environnement aussi hostile que celui que vient d’imposer la majorité du Parti Libéral de l’Ontario à leurs concitoyens…

Son interview en anglais sur la radio CBC:

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.