[Bref] Projet de Loi tabac 2 : Berset refait la même merde

Alain Berset

L’avant-projet n’était pas brillant, le projet de loi signé Alain Berset est pire. Le journal télévisé de la RTS n’en a retenu que l’interdiction de vente des cigarettes aux moins de 18 ans, un point acquis de longue date. Dans le Courrier, le Pr Jean-François Etter, de l’Institut de Santé Globale, qualifie de « caricatural » à quel point le projet de loi sert les intérêts cigarettiers.

En fait, la nouvelle version du projet de loi tabac (LPTab 2) d’Alain Berset ressemble au premier projet, rejeté par le parlement en 2016, mais avec des restrictions super lights de publicité pour le tabac. Seule autre différence notable, positive celle-ci, la légalisation du Snus qui serait effective à son entrée en vigueur au mieux en 2022, alors que le parlement a voté une motion en ce sens en 2012.

L’absence de nouveauté, c’est surtout la reconduction de l’amalgame du vapotage au tabagisme sur à peu près tous les aspects, avec quelques fumisteries rhétoriques pour la forme. Autrement dit, son refus d’intégrer la réduction des risques pour protéger efficacement la santé publique face au tabagisme. En catégorisant le vapotage comme « produit nocif », le Conseiller fédéral ouvre grande la porte au n’importe quoi en matière de qualité et de sécurité des produits de vape, actuellement régis et protégés par la Loi sur les denrées alimentaires (LDAi).

Le projet de loi veut transformer la vape en « produit nocif »

L’article 7 du projet de loi prévoit d’autoriser d’ajouter n’importe quel additif au produits du tabac et du vapotage, hors d’une petite liste de 25 substances interdites. Ceci sans le signaler sur les paquets de cigarettes, ce qui a de faux-air de tromperie du consommateur avec la complicité des autorités. Les vapoteurs devraient être un peu mieux informés avec une notice obligatoire.

Autant dire que voir les produits de vape être mis sous la coupe d’une telle réglementation est extrêmement inquiétant. D’autant plus avec le label imposé de « produit nocif » qui laisse les producteurs libres d’à peu près n’importe quoi et les consommateurs sans ressource pour se défendre… Maigre progrès, les bouchons de sécurité seraient imposés aux fioles de liquides, ce qui est déjà le cas en pratique.

Cette destruction du niveau de protection des consommateurs s’accompagne d’une détérioration de leur liberté de choix: les fioles de liquides seraient limitées à 10 ml, et le taux maximum de nicotine à 20 mg/ml.

La limitation à de mini fioles augmente plutôt le risque d’accident avec les enfants en bas-âge, dont les mains menues prennent plus facilement de petits objets. Même Mickael Anderegg, le préposé de l’Office fédérale de la santé publique (OFSP) à la rédaction de l’avant-projet, avait exclu cette limite « absurde ».

Berset nous refait le coup du light

La limite à 20 mg/ml de nicotine exclut pour sa part près de 30% des fumeurs de pouvoir sortir du tabagisme avec ce vapotage light. Elle tend à pousser les usagers à la surconsommation et ne repose sur aucune étude scientifique. Le Royaume-Uni, un des rares pays a avoir une véritable politique efficace de santé publique face au tabagisme, réfléchit à réviser et se libérer de cette limite à l’occasion du Brexit.

Bien que sans tabac, sans combustion, sans monoxyde de carbone ni goudrons, et même lorsqu’il est sans nicotine, le vapotage est inlassablement amalgamé au tabagisme dans le projet de loi, au point d’assimiler les vapoteurs aux fumeurs.

La réduction des risques sacrifiée par Berset

La liberté des tenanciers d’établissements publics d’interdire ou tolérer le vapotage serait aussi abrogée. L’interdiction de vapotage dans les lieux publics serait obligatoire, y compris pour les magasins de vape, les espaces d’aide ou d’entraide à l’arrêt tabagique. Aucun aménagement n’est prévu. Ce qui condamnerait les possibilités de son utilisation comme outil de réduction des risques. Les néophytes ne pourraient plus recevoir d’instructions pratiques, ni essayer matériel ou liquide.

Dans ces conditions, que ce soit en magasin ou dans des espaces d’aide à l’arrêt tabagique, aider des fumeurs à arrêter avec le vapotage relèverait de la mission impossible. Les accidents par mésusages liés à l’absence d’instruction pratique seraient une conséquence plus que prévisible de ce projet de loi.

Aux Etats-Unis, la génération des 18 à 24 ans qui a connu le vapotage adolescent compte 13% de jeunes ayant évité le tabagisme grâce au vapotage occasionnel et environ 3% ayant arrêté de fumer à son aide et 2,7% de vapoteurs exclusifs. Il reste 10,4 % de fumeurs, contre près de 38% en Suisse au même âge

Les mineurs seraient privés d’alternative à risque réduit y compris sans nicotine. Cependant, les cigarettes seraient (enfin) interdites de vente aux mineurs, avec les lacunes que l’on connait à cette mesure. Depuis sept ans qu’il est en poste, le bilan de la politique du Conseiller fédéral en matière de tabagisme est son maintien à plus de 25% des 15 à 18 ans et près de 40% des jeunes adultes en Suisse.

Un bilan probablement négatif en terme de santé publique

Le rapport d’évaluation du cabinet BASS analysait que l’un des rares effet concret pour faire baisser le tabagisme du projet de loi aurait été la légalisation du vapotage nicotiné. Depuis, le Tribunal administratif fédéral a abrogé la prohibition illégale qu’avaient institué abusivement les services d’Alain Berset.

Le principal moteur de la réduction du tabagisme que prévoyait le BASS est effectif désormais sans la loi Tabac Berset. De manière étrange, la mise à jour du rapport du BASS déclare ne pas tenir compte de l’abrogation de la prohibition, laissant ainsi au bénéfice du projet de loi les effets positifs de la légalisation du vapotage nicotiné.

En l’état, contrairement à ce que prétend le message du Conseiller fédéral, il est probable que ce projet de loi ait plutôt un impact négatif en entravant l’accès au vapotage, en réduisant la protection de ses consommateurs et surtout en assassinant la possibilité de politiques de réduction des risques. La légalisation du snus et l’interdiction de vente du tabac aux mineurs restent des points positifs.

Berset confirme être égal à lui-même

En résumé, le projet de loi du Conseiller fédéral se moque de la demande du parlement de différencier les produits du vapotage des produits du tabac, ignore le principe de réduction des risques – un des piliers de la stratégie nationale addictions (2017-2023) – et méprise sans vergogne les avis exprimés par le public concerné lors de la consultation publique.

On ne peut pas être vraiment surpris du Conseiller fédéral, de la défense du tabagisme en Suisse contre le vapotage ces dernières années, de profiter de ce projet de loi pour en détériorer les conditions et la qualité et repousser les vapoteurs dans le monde du tabac.

Fidèle à lui-même, le politicien entend sacrifier une vision d’avenir avec la réduction des risques pour concilier les intérêts malsains des cigarettiers et des pharmaceutiques et calmer les puritains en leur offrant le scalp facile des vapoteurs, victimes expiatoires de substitut pour la haine anti-fumeurs des principaux lobbyistes de ce clan.

Aux vapoteurs de se faire entendre

En 2016, les auditions en Commission santé du Conseil des États de l’association des vapoteurs Helvetic Vape et des professionnels SVTA avaient permis d’attirer l’attention des élus sur la nécessité de différencier les produits de vapotage et les produits du tabac. Alain Berset n’a pas réellement respecté cette demande du parlement, en jouant sur les mots dans son nouveau projet de loi.

Mais le projet a encore tout un chemin parlementaire a effectué, en commission et en chambres, avant d’être loi. De quoi laisser l’espoir soit d’un nouveau rejet, soit de modifications substantielles. De toute évidence, sous l’influence de lobbyistes d’ultra-droite puritaine, le camp « anti-tabac » préfère trucider facilement le vapotage plutôt qu’une difficile lutte sur la question du tabac. Dans ce contexte, les vapoteurs sont-ils prêts à se mobiliser pour être entendus ?



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