Les enfants de vapoteurs comprennent la réduction des risques

Près des deux tiers (64 %) des enfants de 10 à 11 ans au Pays de Galles perçoivent le vapotage comme aide pour arrêter de fumer. Cette part atteint 83,8 % chez les enfants de vapoteur. Cette perception est associée à une susceptibilité de près de moitié (43 %) moindre que ces enfants imaginent se mettre à fumer dans les deux ans qui suivent. Ces résultats proviennent d’une étude publiée en janvier 2020 dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health (IJERPH). Les chercheurs, dirigés par Graham Moore de l’Université de Cardiff, ont interrogé 2 218 enfants de 10 à 11 ans dans 73 écoles galloises en 2019. Un cinquième (21 %) d’entre eux ont au moins un parent qui vapote, tandis que 36 % ont rapporté qu’au moins un parent fume. Les enfants ont été interrogés sur ce qu’ils croient être les raisons des adultes de vapoter. Chez les enfants de vapoteurs, la part à avoir saisi que la vape permet d’arrêter de fumer est sensiblement plus marquée que les enfants en général :
Les enfants qui perçoivent le vapotage comme aide à arrêter de fumer sont en proportion 43 % moins à imaginer fumer dans les deux années à venir. « Une association négative plus forte a été observée pour la susceptibilité au tabagisme lorsque le vapotage est perçu [par les enfants] comme étant utilisé pour aider les adultes à cesser de fumer », soulignent les chercheurs.
Cette étude est la première à s’être penchée sur la perception du vapotage dans une cohorte d’enfants ayant grandi à « l’ère du vapotage » et dans un contexte de mesures globales antitabac, telles que celles mises en place au Royaume-Uni. Alors que le tabagisme parental est un facteur important bien établi du risque de tabagisme des adolescents, cette recherche éclaire la controverse sur le soi-disant risque de « renormalisation » du tabagisme par le vapotage. Cette crainte repose sur la croyance que vapotage et tabagisme sont d’apparence si similaire que les enfants ne les distinguent pas.

La théorie fumeuse de la « renormalisation » du tabagisme

Basée sur cet a priori, la théorie de la renormalisation a fortement influencé les débats réglementaires. « Par exemple, la directive de l’UE sur les produits du tabac (TDP) justifie la réglementation au motif que le vapotage agit comme une porte d’entrée vers la dépendance à la nicotine et renormalise le tabagisme en imitant son action », notent les auteurs. Or, cette croyance n’est pas soutenue par l’évolution réelle du tabagisme adolescent dans les pays où le vapotage s’est le plus développé. En France, au Royaume-Uni et aux États-Unis, l’essor du vapotage a accompagné des chutes sans précédent du tabagisme des jeunes. Malgré ce constat, la théorie de la renormalisation est toujours très utilisée dans les débats politiques. « Il est donc essentiel de comprendre le cours de la formation des perceptions du tabagisme et du vapotage de ce groupe [de la génération ayant grandi avec la vape et les mesures antitabac] afin d’éclairer les approches politiques contemporaines visant à prévenir l’adoption du tabac chez les jeunes », justifient les chercheurs gallois.
« Étant donné que l’hypothèse de la re-normalisation repose sur des hypothèses selon lesquelles les enfants considèrent le vapotage et les cigarettes de tabac comme similaires, les preuves émergentes que le vapotage est considéré par les enfants comme différent des cigarettes de tabac peuvent indiquer que l’exposition à l’utilisation parentale du vapotage est peu susceptible d’entraîner des perceptions plus positives à l’égard du tabagisme », expliquent Graham Moore et ses collègues.

Changement de transmission comportementale

Selon une méta-analyse de 58 études, le facteur de risque de fumer pour un adolescent ayant un parent fumeur est proche de deux, et de trois avec les deux parents qui fument. Cette recherche galloise indique que le fait que les parents fumeurs se mettent à vapoter, est accompagné plus de huit fois sur dix d’une perception par l’enfant de la tentative d’arrêter de fumer. Réduisant considérablement la propension de l’enfant à imaginer se mettre à fumer lui-même. Ce constat semble aller de soi, mais il n’a toujours pas été compris par les autorités sanitaires de l’OMS ou de la Commission européenne.

Le vapotage : une question de classe

La recherche galloise montre également que le tabagisme parental est, sans surprise, un marqueur social : 50,4 % des enfants du tiers le plus défavorisé ont au moins un parent fumeur, tandis que ce n’est le cas que pour 18,7 % du tiers le plus aisé. « Le tabagisme parental et le vapotage parental se chevauchent considérablement; la plupart des enfants qui ont déclaré qu’un parent vapote ont également indiqué qu’un parent fume (68,8 %) », notent les chercheurs.
« L’utilisation du vapotage par les parents était plus élevée chez les enfants de familles plus démunies de l’échantillon, bien que ces différences socioéconomiques aient été atténuées à un niveau non significatif lors de l’ajustement pour tenir compte des taux plus élevés de tabagisme parental dans les familles plus pauvres », soulignent les chercheurs
Il est probable que ce contraste de classe explique le fait qu’une part plus importante des enfants défavorisés (66,8 % contre 58,9 % chez les enfants aisés) ont perçu le vapotage comme un outil d’arrêt tabagique, tandis que les enfants de couches aisées sont plus à le voir comme une manière d’économiser par rapport à fumer (22,9 % contre 17 % chez les plus défavorisés).
En brisant la transmission intergénérationnelle du comportement de fumer, le vapotage semble mieux profiter aux classes défavorisées, à l’inverse des mesures antitabac classiques. Il me parait probable que ce soit là un motif sociologique latent expliquant le traitement hostile et méprisant des autorités et médias à l’encontre du vapotage.

Une dénormalisation en acte

Les résultats du questionnaire aux 2 278 enfants de 10 et 11 ans gallois montrent que la grande majorité (84 %) d’entre eux ont entendu parler du vapotage. Ils sont 5 % à avoir essayé de vapoter et 1 % à avoir essayé de fumer. « Parmi les enfants qui avaient essayé le vapotage, la grande majorité ne l’avait fait qu’une seule fois, tandis que l’utilisation régulière des deux produits était très rare », précisent les chercheurs.
« L’expérimentation des enfants avec les cigarettes de tabac et le vapotage était plus fortement associée au tabagisme parental qu’au vapotage parental. L’expérimentation du tabac chez les enfants s’est produite presque exclusivement chez les enfants de fumeurs, tandis que l’association du vapotage parental avec l’expérimentation de vapotage par les enfants est devenue non significative après ajustement pour le tabagisme parental », explique l’équipe de Graham Moore.

Les enfants qui comprennent le vapotage ont moins de risque de fumer

Les auteurs concluent qu’il « demeure essentiel d’aider les parents à cesser de fumer au moyen d’interventions efficaces pour les parents moins fortunés afin de perturber la transmission intergénérationnelle du tabagisme et les inégalités en matière de santé ». Avant d’insister que « le constat que les enfants qui perçoivent le vapotage comme quelque chose utilisé par les adultes pour cesser de fumer, est associé à une plus faible susceptibilité au tabagisme et au vapotage, suggère qu’une communication efficace par les familles, les écoles et les décideurs concernant le rôle de ces dispositifs en tant qu’aides au sevrage tabagique peut avoir un rôle important à jouer pour limiter leur attrait pour les enfants. » 
 
Cette étude n’a reçu aucune couverture médiatique dans l’espace francophone, en dépit de l’obsession des médias sur le sujet du vapotage chez les jeunes…
Photo de tête par Ben White on Unsplash
Références.Moore, G.F.; Angel, L.; Gray, L.; Copeland, L.; Van Godwin, J.; Segrott, J.; Hallingberg, B. Associations of Socioeconomic Status, Parental Smoking and Parental E-Cigarette Use with 10–11-Year-Old Children’s Perceptions of Tobacco Cigarettes and E-Cigarettes: Cross Sectional Analysis of the CHETS Wales 3 Survey. Int. J. Environ. Res. Public Health 202017, 683. https://ift.tt/3pNGNmC –  https://www.mdpi.com/1660-4601/17/3/683/htm#B25-ijerph-17-00683. Leonardi-Bee J, Jere ML, Britton JExposure to parental and sibling smoking and the risk of smoking uptake in childhood and adolescence: a systematic review and meta-analysisThorax 2011;66:847-855. https://thorax.bmj.com/content/66/10/847.long
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