COP 9 Tabac : l’OMS interdit tout débat sur ses positions anti-vape

Initialement prévue l’an passé, la 9e conférence des parties (COP 9) sur le tabac de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se tiendra en ligne depuis Genève du 8 au 13 novembre. En juillet, le Secrétariat de la Convention a annoncé dans l’agenda prévu de la COP 9 la présentation d’une liste de mesures anti-vape et, derechef, l’interdiction de tout débat critique sur celle-ci, déguisée en report de discussion à la prochaine COP 10  dans deux ans. Une décision en forme de petit coup d’État à la sud-américaine du Secrétariat dirigé par Adriana Blanco.

Zéro transparence

Censé tenir un rôle administratif, le Secrétariat s’adjuge ainsi encore un peu plus les pleins pouvoirs. L’opacité de la Convention gagne aussi un cran, alors qu’elle était déjà renforcée par la mise au secret, mesure d’exception dans l’ensemble des organisations onusiennes, des représentants des États membres, l’interdiction des journalistes indépendants et l’exclusion des associations d’usagers et de patients depuis plusieurs éditions. Des aspects découverts avec surprise par le Groupe interparlementaire de la Chambre des communes (APPG) britannique dans son rapport d’enquête [traduction non officielle en français en fin d’article].

Avec cette nouvelle décision, les recommandations anti-vape du Secrétariat et du groupe TobReg de l’OMS deviennent encore un peu plus indiscutables par l’assemblée. Elles ont pourtant été élaborées sans consultation ni débats, en excluant a priori les stratégies de réduction des risques et sans respect de nombreuses données scientifiques sérieuses. Par ce précédent, le court-circuitage de tout débat risque de devenir la règle sur la question de la réduction des risques et en particulier du vapotage. 

« Deux documents ayant fait l’objet d’une fuite et émanant du bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale (EMRO) suggèrent que l’OMS étudie la possibilité de préconiser que les produits à risque réduit soient traités de la même manière que les cigarettes ou de les interdire purement et simplement », extrait du Rapport sur la COP 9 anti-tabac de l’OMS par le Groupe interparlementaire de la Chambre des communes du Royaume-Uni.

En décidant de manière univoque l’absence de débat sur la question de la réduction des risques, le Secrétariat franchit une nouvelle étape dans la concentration du pouvoir. Pour sauver les apparences, il annonce que ses décisions de recommandations anti-vape seront débattues lors de la prochaine COP 10. Après les avoir annoncées, diffusées et présentées comme faits accomplis entretemps, évidemment. 

« La manipulation de l’OMS est en bonne voie pour diaboliser à la COP 9 les produits de réduction des risques tels que le vapotage. Cela est déguisé en simple rapport, mais l’OMS l’a bel et bien mis à l’ordre du jour cette année. L’OMS joue sur les mots par crainte que le monde ouvre les yeux sur sa croisade anti-vape motivée par l’argent et non par la science », explique Nancy Loucas, de la Coalition d’Asie et du Pacifique des défenseurs de la réduction des risques face au tabagisme (CAPHRA), au média RegWatch.

L’UE en soutien à une adoption sans débat des recommandations anti-vape ?

Au Royaume-Uni, le tabagisme adulte a chuté de 25% et celui des jeunes de 50%
depuis l’essor de la vape il y a dix ans

Cependant, des fuites très inquiétantes font redouter encore pire. Dans l’Express (UK), David Jones, que l’on peut supposer bien informé en tant qu’ancien ministre britannique, annonce que l’Union Européenne (UE) va abonder dans le sens des mesures anti-vape poussées par l’OMS. L’émissaire de l’UE, qui était Anne Bucher lors de la précédente COP 8 à Genève en 2018, représente les 27 pays membres. Des représentants des pays européens se réunissent en catimini dans quelques jours pour donner leurs consignes communes à la représentante de l’UE.

 »L’OMS a lancé une croisade anti-scientifique contre le vapotage, dont il est largement démontré qu’il aide des fumeurs à cesser de fumer. L’organisation fait constamment l’éloge des nations qui prennent des mesures de plus en plus draconiennes contre le vapotage. Ces décisions coûtent des vies, et le Royaume-Uni doit prendre position. Tout comme l’UE, l’OMS est un organe bureaucratique, qui n’a pas de comptes à rendre au peuple britannique et vise à contrôler la politique de santé intérieure et à satisfaire ses propres préjugés. Le Brexit offre au Royaume-Uni une occasion unique d’affirmer sa souveraineté et de veiller à ce que sa politique de santé ne soit pas affectée par des ingérences extérieures », déclare David Jones, ancien ministre britannique chargé de la sortie de l’UE, dans l’Express (UK).

Si les informations de David Jones sont correctes, une validation a priori par l’UE des recommandations de la bureaucratie de l’OMS, alors que le Secrétariat interdit de les mettre en débats lors de cette COP 9, signifierait probablement leur consécration pour très long terme. En concret, un abandon quasi définitif du principe de réduction des risques stipulé à l’article premier de la Convention-cadre anti-tabac

De la duplicité derrière l’opacité de l’OMS ?

Politiquement, la manœuvre permettrait aux autorités européennes de se réfugier derrière les recommandations de l’OMS pour justifier taxes et restriction d’arômes voire interdiction des appareils remplissables (systèmes ouverts), comme l’évoque de manière floue une note de bas de page (note 54) du rapport de la Commission européenne sur l’évaluation de la directive TPD. Les gouvernements nationaux des pays de l’UE pourraient ensuite se cacher derrière les décisions européennes pour ne pas assumer leurs responsabilités face à leur propre opinion publique. 

Des rumeurs contradictoires circulent sur le rôle de la France dans ce micmac politicien. En raison des mesures d’exception de mise au secret des participants et de l’opacité générale des COP anti-tabac de l’OMS, il est impossible de vérifier si les autorités sanitaires françaises sont ou non vraiment en train de planter un coup de poignard dans le dos du droit à la réduction des risques pour plus du quart de leur population qui fume.

1,3 milliard de fumeurs livrés aux cigarettes

L’image du coup de poignard n’est pas exagérée. Le Secrétariat de la Convention anti-tabac recommande déjà de privilégier la prohibition pure et simple de la vente et importation du vapotage, en suivant l’exemple des grands pays cigarettiers comme l’Inde ou la Thaïlande. Notons que l’OMS ne recommande pas l’interdiction du tabac, mais seulement celle du vapotage (!). 

À défaut de prohibition totale, la recommandation est alors d’interdire les arômes autres que goût tabac (!), taxer et restreindre autant que possible l’accès aux produits qui ont permis à près de 50 millions de fumeurs dans le monde de sortir du tabagisme. Mais les anti-vapes veulent aller encore plus loin.

Projet d’interdire les réservoirs remplissables (systèmes ouverts)

À ces positions contre le droit à la réduction des risques pour les 1,3 milliard de fumeurs dans le monde, le dernier rapport (n° 1029) du groupe TobReg propose d’y ajouter un durcissement supplémentaire des recommandations contre le vapotage. Qui vont au-delà même des mesures contre les cigarettes et le tabac chauffé qu’il propose d’y assimiler. En plus des mesures précitées, le rapport préconise l’interdiction des appareils de vape rechargeables en liquide (dit systèmes ouverts). 

Extrait du rapport 1029 du groupe sur la réglementation du tabac de l’OMS en page 313, concernant les recommandations du groupe : « Interdire la vente de système électronique de délivrance de nicotine ou de système électronique de délivrance de non-nicotine [sic!] dans lesquels l’utilisateur peut contrôler les fonctions du dispositif et les ingrédients du liquide – c’est à dire, les systèmes ouverts ».

Ceci profiterait évidemment aux pods à capsule préremplie, business modèle privilégié par l’industrie du tabac sur ce secteur par sa capacité à rendre les consommateurs captifs des marques. Un système de capsule préremplie qui pose aussi un grave problème de sécurité, puisqu’il est à l’origine de la vague de pneumopathies aux USA en 2019 sur le marché noir du THC. Les dealers avaient substitué de l’huile de vitamine E en place du THC voulu par leurs clients sans que ceux-ci puissent le vérifier en raison du préremplissage des capsules.

Le niveau scientifique de certains membres du groupe TobReg de l’OMS est inquiétant, ou hilarant selon l’humeur. Par exemple, Jagdish Kaur préconisait dés 2017 dans l’Indian Journal of Public Health, de suivre le modèle Nord-Coréen de prohibition du vapotage. De son côté, Ranti Fayokun a présenté en 2019 des photomontages, d’enfants, dont un bébé, en train de vapoter, assurant le comité du Congrès des Philippines de leur véracité. Etc.

1 000 milliard de dollars face à 1,3 milliard de vies

Avec 18 États-cigarettiers membres de la Convention, tels que la Chine, l’Inde ou la Thaïlande, représentant plus de la moitié des ventes de cigarettes dans le monde, auxquels s’ajoutent les pays producteurs de tabac comme le Brésil et le Zimbabwe, les pressions internes à la Convention anti-tabac de l’OMS pour faire perdurer le tabagisme en sabotant le vapotage sont fortes. L’intérêt des vendeurs de médicaments aux fumeurs tombés malades par le tabagisme est tout aussi élevé en terme financier. Les deux secteurs dépassent les 200 milliards $ de chiffres d’affaires annuels. Deux secteurs avec lesquels le pseudo-philanthrope, mais vrai financier Michael Bloomberg entretient des relations d’affaires.

Pour les États, ce sont plus de 600 milliards $ par an de revenu grâce aux taxes du tabac. Face à ces 1 000 milliard $ annuels, les voix des bénévoles des associations de défense du droit à la réduction des risques ne semblent pas peser lourd. À l’exception des Britanniques, dont les autorités de santé privilégient le droit à la réduction des risques avec des résultats convaincants en termes de santé publique. Mais y a-t-il encore quelqu’un pour s’en soucier à l’OMS ?

La traduction en français (non officielle) du rapport du groupe interparlementaire de la Chambre des communes (APPG) Britannique sur la COP 9 anti-tabac de l’OMS. L’original se trouve à https://copinquiry.co.uk/report-and-press-release

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