COP 9 anti-tabac : Cent experts en colère contestent la guerre à la réduction des risques de l’OMS

« Il est difficile de croire que l’OMS soit incapable de comprendre la science fondamentale et de concevoir une politique rationnelle pour s’appuyer sur, plutôt que de rejeter, les opportunités offertes par la réduction des risques. En cherchant à bloquer l’accès à des produits nicotinés à risque réduit, autres que les médicaments homologués, l’OMS soutient et encourage l’industrie du tabac à tuer des millions de personnes », Pr John Britton, directeur du Centre britannique d’études sur le tabac et l’alcool de l’Université de Nottingham (UK).

Les mots sont durs. Ils sont d’un spécialiste mondialement reconnu de la lutte anti-tabac. Le Pr John Britton est un des cent signataires de l’appel aux délégués des pays membres avant la COP 9 anti-tabac de l’OMS du 8 au 13 novembre prochain. Sa citation provient des commentaires en complément à la lettre ouverte de 100 experts, également traduite en français (PDF en fin d’article). Parmi eux, deux anciens cadres de premier plan de l’OMS, les Prs Ruth Bonita et Robert Beaglehole, se disent « extrêmement déçus de l’approche illogique et perverse de l’OMS ».

Cent experts en colère contre l’OMS

Cette prise de parole d’experts internationaux intervient alors que les dirigeants de l’OMS préparent à imposer sans débat à la COP 9 une intensification de la guerre à la réduction des risques et en particulier contre les 60 millions de vapoteurs ayant eu « le tort » d’arrêter de fumer. Une approche « anti-tabac » si inefficace et contre-productive qu’elle profite avant tout aux différentes industries du tabac et de la pharmaceutique. A l’opposé, les 100 experts, qui déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts, posent les éléments du débat et articulent six propositions aux délégués.

Leur état des lieux rappelle qu’il est établi que le vapotage aide à arrêter de fumer et présente une énorme réduction des risques par rapport aux cigarettes. Les approches de réduction des risques s’intègrent de manière efficace au développement durable en favorisant une amélioration rapide de la santé publique. Ils rappellent aussi que la Convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT) signée par 183 pays reconnaît le principe de réduction des risques à son article 1er.

« Pour des centaines de millions de personnes qui luttent pour arrêter de fumer ou qui veulent continuer à consommer de la nicotine, ces produits [de réduction des risques] représentent une voie supplémentaire importante pour échapper aux modes d’utilisation les plus mortels de la nicotine ».

Suivre l’évaluation de la FDA sur le tabac chauffé ?

Les signataires de la lettre ouverte à l’OMS ouvrent le spectre des outils de réduction des risques au tabac chauffé, se référant notamment à l’évaluation de la Food and Drug Administration (FDA) américaine. « Bien que les produits du tabac chauffé créent une plus grande exposition aux substances toxiques que le vapotage, les sachets de nicotine ou le tabac sans fumée [snus], ces produits peuvent constituer une alternative à la cigarette conventionnelle plus acceptable et à risque réduit pour certains fumeurs », précisent les experts.

On peut avoir moins d’enthousiasme qu’eux en raison notamment de l’absence d’un critère objectif de définition du tabac chauffé. Notons aussi que l’OMS a des recommandations beaucoup plus permissives envers le tabac chauffé et les cigarettes fumées qu’envers le vapotage.

Pour leur part, les signataires de la lettre ouverte préfèrent ne pas enfermer les questions de santé publique au soutien à un groupe d’intérêt économique particulier. « Les approches de réduction des risques impliquent inévitablement des produits fabriqués par des entités commerciales fabriquant des produits de consommation à base de nicotine en concurrence avec les cigarettes conventionnelles », notent-ils.

Leur position contraste avec la guerre aux producteurs de produits à risque réduit et le soutien de facto de l’OMS aux États-cigarettiers et aux grands pays producteurs de tabac.

Les effets néfastes des approches intégristes

L’OMS encourage et félicite les pays interdisant les moyens de réduction des risques, à l’image de l’interdiction de la vape en Inde et en Thaïlande, deux États propriétaires de cigarettiers. « Toutefois, les décideurs politiques doivent tenir compte de l’effet probable ou plausible de ces interdictions dans le monde réel. Quel effet cela aura-t-il sur les 100 millions de fumeurs indiens qui se voient désormais refuser des alternatives plus sûres? Cela signifierait-il que les jeunes commencent à fumer au lieu d’utiliser les cigarettes électroniques? Cela créerait-il un commerce illicite important ? Servirait-il principalement les intérêts de l’industrie indienne de la cigarette, qui appartient en partie à l’État ? », questionnent les cent experts.

En l’absence de prohibition, l’OMS préconise d’autres mesures répressives contre le vapotage, telles que la taxation, l’interdiction des arômes et – c’est dans le rapport TobReg qui sera présenté à la COP 9 – l’interdiction des systèmes ouverts (rechargeables en liquide). « Le danger de cette approche est qu’elle constitue une protection réglementaire de facto du commerce des cigarettes conventionnelles et, pour citer le Royal College, elle causera des dommages en perpétuant le tabagisme », soulignent les experts de la lutte anti-tabac.

« Il est de plus en plus évident que l’utilisation des cigarettes électroniques remplace le tabagisme (17, 18, 19) et que les mesures visant à contrôler l’utilisation des cigarettes électroniques peuvent déclencher une augmentation du tabagisme. Par exemple, il est prouvé que l’interdiction des arômes de e-liquides (20), l’augmentation des taxes sur les produits de vapotage (21, 22) l’interdiction de la publicité pour les cigarettes électroniques (23) et les restrictions d’accès (24) peuvent augmenter le tabagisme ». [pour les références en notes, voir le texte en PDF plus bas]

La question jeune

Les jeunes sont l’argument « émotion » instrumentalisé par l’OMS et l’ensemble des anti-vapes de la Bloombosphère. En dépit de la chute du tabagisme juvénile dans les pays où la vape s’est développée, l’OMS répète en boucle que la vape amène les jeunes au tabagisme. Pourtant, les données, y compris américaines, montrent que l’usage fréquent de vape est rare chez les adolescents, bien qu’ils sont nombreux à expérimenter « une fois ou deux » le produit. Les adolescents à vapoter plus fréquemment et avec nicotine sont pour l’extrême majorité, malheureusement, déjà fumeurs.

« Certains jeunes utilisent les cigarettes-électroniques pour arrêter de fumer des cigarettes conventionnelles ou comme alternative aux cigarettes conventionnelles. En conséquence, le vapotage est en train de supplanter la cigarette conventionnelle chez les jeunes et les fumeurs invétérés (17, 18). Bien qu’il existe des associations positives entre l’utilisation des cigarettes-électroniques par les adolescents et le tabagisme ultérieur, il est peu probable qu’elles indiquent un “effet de passerelle”. Ils sont plus susceptibles de découler de facteurs de risque communs – les caractéristiques de prise de risque de l’individu ou de ses circonstances qui l’incitent à fumer des cigarettes conventionnelles et à utiliser les cigarettes électroniques (30, 31, 32, 33) ».

Respecter la science, la santé publique et les droits humains

Les 100 experts demandent aux délégués des pays membres de défendre des positions respectant la science, la santé publique et les droits humains face à la bureaucratie de l’OMS. Ils soulignent un principe de proportionnalité entre les mesures envisagées et les risques craints. Ils réclament également une réelle mise en application de l’article 5.3 de la CCLAT pour préserver la Convention de l’ingérence des industries du tabac sans pour autant « créer un obstacle contre-productif aux produits à risque réduit ».

Enfin, les cent spécialistes de la lutte anti-tabac réclament « un examen indépendant de l’OMS et de la CCLAT sur la politique du tabac dans le contexte des objectifs de développement durable (ODD). Cet examen pourrait porter sur l’interprétation et l’utilisation de la science, la qualité des conseils politiques, l’engagement des parties prenantes, la responsabilité et la gouvernance ».

Une organisation vérolée

La demande est légitime, mais un tel rapport indépendant serait-il utile ? Sur la Covid-19, le rapport de l’Independent Panel a pointé le rôle de l’OMS dans la transformation de l’épidémie localisée à Wuhan en pandémie mondiale. Ce rapport n’a eu aucune conséquence pour les responsables. L’impunité s’associe à l’incompétence et la poursuite d’intérêts de carrière personnelle à l’obéissance aux intérêts des puissants dans la culture d’entreprise de l’OMS.

Au vu des enjeux financiers, des intérêts de Bloomberg qui finance massivement l’OMS sur ce sujet, l’espoir que cet appel soit entendu me semble extrêmement faible. Producteurs de tabac et vendeurs de cigarettes, vendeurs de médicaments aux fumeurs malades et États empochent plus de 1 000 milliard $ par an grâce au plus d’un milliard de personnes qui fument.

L’état de pourrissement profond de la direction et de la culture de travail de l’OMS me parait rendre improbable que cette organisation se saisisse de l’opportunité d’améliorer la qualité de vie et la santé de plus d’un milliard de personnes au risque de perdre tant d’argent. Mais peut-être me trompe-je…

La lettre ouverte des cent experts anti-tabac aux délégués à la COP 9 anti-tabac de l’OMS tarduite en Français (pdf) >

Cliquer pour accéder à WHOCOP9LetterOct2021-FR.pdf

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