Quelles réactions des vapoteurs en cas d’interdiction des arômes aux USA, Angleterre et Canada ?

82 % des vapoteurs interrogés par l'International Tobacco Control (ITC) s'opposent à une interdiction des arômes de vape

Près de 82 % de vapoteurs réguliers sondés en 2020 au Canada, Angleterre et États-Unis déclarent s’opposer à une interdiction des arômes de vape, qui ne laisserait que le goût tabac disponible légalement. Ils sont 53,6 % à s’y opposer fortement et 28,2 % plus modérément. Tandis que 12,9 % soutiennent, dont 3,6 % fortement, une telle interdiction. Enfin parmi les 845 sondés de cette partie de l’enquête, 5,2 % n’ont pas d’avis. Ces chiffres proviennent d’une enquête de l’International Tobacco Control (ITC) publiée en accès libre dans la revue Addictive Behaviors. Le groupe d’enquêteurs se consacre à quatre pays anglo-saxons, mais l’Australie interdisant la vente de vapotage, cette étude n’a pris en compte que les Canadiens, Anglais et Américains.

Les chercheurs notent que plus de 80 % des vapoteurs s’opposent à une interdiction d’arômes, « particulièrement parmi les ex-fumeurs qui sont déjà complètement passés au vapotage ». À propos des 12,9 % de soutien à l’interdiction, ils reconnaissent ne pas en connaitre les raisons. Certains pourraient « vouloir arrêter de vapoter », ou « croient que la variété d’arômes est un problème pour les jeunes », supputent les chercheurs. On peut aussi imaginer que certains vapoteurs préféreraient une vape hors-la-loi, la libérant de facto des diverses contraintes, dont les taxes, imposées par les États.

« Bien que l’interdiction de la vente de produits de vape nicotinés à saveur non tabagique puisse en théorie empêcher certains jeunes de commencer de vapoter, les preuves à l’appui de cette affirmation manquent pour le moment. De plus, la restriction des saveurs pour les adultes pourrait avoir des conséquences imprévues. Ces conséquences pourraient nuire au potentiel de réduction des risques et méfaits pour ceux qui souhaitent utiliser les produits de vape nicotinés comme aide à la cessation ou passer complètement de la cigarette aux produits de vape nicotinés », expose l’étude publiée dans Addictive Behaviors.

Le marché noir pour éviter de fumer ?

Une seconde question de l’enquête d’ITC porte sur la réaction en cas de prohibition des arômes de vape autres que goût tabac. Elle a été posée à un second groupe de 703 vapoteurs réguliers n’utilisant pas d’e-liquides au goût tabac actuellement.

L'interdiction pourrait pousser 28 % des vapoteurs vers le marché noir et 17 % à recommencer de fumer
  • 28.8 % d’entre eux pensent continuer de vapoter avec les e-liquide disponibles légalement,
  • 28,3 % chercheraient un moyen d’obtenir des arômes autrement,
  • 17,1 % arrêteraient la vape et recommenceraient de fumer,
  • 12,9 % arrêteraient la vape,
  • 12,9 % ne savent pas ce qu’ils feraient dans cette situation.

Plusieurs recherches, dans des États prohibitionnistes, ont montré que les vapoteurs peuvent contourner les interdictions d’arômes. « Notre étude suggère qu’un grand sous-ensemble de vapoteurs serait prêt et motivé à se tourner vers l’achat en ligne, accéder à des arômes dans des juridictions sans interdiction, et éventuellement utiliser des produits du marché illicite pour continuer d’utiliser leurs arômes préférés », commentent les auteurs.

17,1 % des vapoteurs pensent recommencer de fumer en cas d’interdiction des arômes

« La conséquence potentielle la plus négative de l’interdiction des saveurs de produits de vape (NVP) serait de pousser certains consommateurs actuels à recommencer ou à augmenter leur consommation de cigarettes », soulignent aussi les chercheurs d’ITC. « Les résultats de notre étude – à travers un large échantillon de vapoteurs adultes de plusieurs pays – révèlent qu’environ un vapoteur sur cinq (17 %) envisagerait d’arrêter de vapoter et de fumer des cigarettes à la place ».

« D’un point de vue de santé publique, le scénario idéal dans le cadre d’une l’interdiction des arômes de vape serait que les vapoteurs abandonnent à la fois le vapotage et le tabagisme », estime l’équipe de recherche. Sans évaluer les éventuelles conséquences pour les personnes utilisant la nicotine en automédication, consciemment ou non, parmi les 12,9 % des vapoteurs imaginant arrêter de vapoter sans recommencer de fumer. « Cependant », ajoutent les chercheurs, « il est possible que certains de ces vapoteurs se tournent vers d’autres produits nicotinés (p. ex. cigares, gommes ou patchs de nicotine (TRN), tabac chauffé ou produits de tabac/nicotine oraux), une réaction que nous n’avons pas incluse dans notre scénario ».

Et les fumeurs actuels ?

Un angle mort de l’enquête de l’ITC est l’entrave des interdictions d’arôme de vape pour les fumeurs actuels qui pourraient utiliser la vape à l’avenir pour arrêter de fumer. Bien que critique, cet aspect est difficile a appréhender et mesurer à travers une étude transversale, comme nous avions pu le voir lors de l’enquête EU Nicotine Users Survey 2020 de l’ETHRA.

L'enquête de l'ETHRA a mis en lumière l'impact négatif de l'interdiction des arômes de vape sur l'arrêt tabagique dans certains pays européens

Cependant, le travail de l’ETHRA avait pu mettre en évidence des éléments indicatifs sur l’impact négatif des interdictions d’arômes. Notamment en comparant les différentes proportions de l’entrave du manque de disponibilité des moyens de réduction des risques ressentie par les fumeurs désirant arrêter de fumer. L’écart entre pays avec ou sans interdiction d’arômes est frappant : en moyenne 11,2 % des fumeurs voulant arrêter se plaignent du manque de disponibilité de produits de réduction des risques dans les pays sans interdiction d’arômes ni taxe sur la vape, contre 52 % dans les pays prohibitionnistes.

Bonus track : Coup d’œil sur les données de l’EU Nicotine Users Survey en miroir

L’interdiction des arômes de vape étant malheureusement sur la table sous la pression des lobbys du milliardaire Bloomberg, le sujet a aussi été abordé dans l’enquête EU Nicotine Users Survey fin 2020, parmi d’autres. Les deux enquêtes se sont déroulées à quelques mois d’intervalle. ITC l’a menée en Angleterre, Canada et aux États-Unis. Tandis que l’enquête de l’ETHRA a recueilli plus de 35 000 réponses de résidents de l’UE, y compris du Royaume-Uni. L’élaboration du questionnaire et l’analyse des réponses de l’enquête de l’ETHRA ont été un travail collectif que j’ai coordonné. Par curiosité j’ai mis en regard des résultats et des éléments des démarches des deux enquêtes. Ceci ne vaut qu’à titre d’indication.

Avec l’ETHRA, nous n’avons pas sondé l’opinion des vapoteurs sur leur soutien ou opposition à une interdiction des arômes de vape. D’une part, il était prévisible que le résultat ait l’allure d’une élection soviétique. D’autre part, et surtout, la conception de l’enquête d’ETHRA était de privilégier les enjeux pratiques et d’usage, plutôt que des opinions plus ou moins idéologiques, et différemment interprétables, des avis ou des goûts, etc.

Dans cette perspective, nous avons demandé quels arômes utilisent les vapoteurs résidant dans l’UE et déterminé la part d’entre eux impactés par une interdiction d’arômes. Seuls 5,6 % des vapoteurs interrogés n’utilisent que des e-liquides aromatisés au goût tabac ou sans arômes. 94,6 % seraient impactés à divers degrés par une interdiction d’arômes. Cependant, près d’un tiers d’entre eux utilisent aussi un e-liquide avec un arôme tabac.

Concernant les réactions en cas d’interdiction, l’ITC a imposé des réponses mutuellement exclusives. Bien que ce format soit plus simple à traiter, nous avons jugé plus pertinent de poser une série de questions sur les diverses réactions possibles où les répondants pouvaient indiquer leur degré de susceptibilité de l’embrasser. Notre point étant que les vapoteurs peuvent panacher plusieurs réactions à une situation d’interdiction. Ceci permet aussi d’avoir des indications sur une susceptibilité modérée, impossible à exprimer dans un système à réponse unique.

Trois résultats similaires et une divergence forte

Il est remarquable que sur trois options les pourcentages obtenus par ITC et ceux exprimant une forte probabilité du comportement proposé dans l’enquête d’ETHRA sont très proches (moins de 1 point de % d’écart). J’ai fait un tableau qui met d’un côté les réponses exclusives au questionnaire d’ITC, et de l’autre les pourcentages de réponses optant pour « très probablement » aux questions de l’ETHRA. Deux options/questions de l’ETHRA n’ont pas été posées par l’ITC, tandis que l’option « ne sait pas » n’est pas définie précisément comme telle dans les résultats de l’ETHRA.

Les répondants à l'enquête d'ETHRA étaient plus nombreux à envisager le marché noir en cas de prohibition des arômes de vape

Le point majeur de divergence des résultats concerne la part de vapoteurs prêts à chercher une source alternative pour trouver un ou des arômes qui leur conviennent. Le résultat est près du double dans l’enquête de l’ETHRA que dans celle d’ITC. Il peut avoir plusieurs raisons à cette différence, alors que trois autres options ont des niveaux avoisinants entre les deux enquêtes.

Hypothèses sur cette différence

Une première hypothèse d’explication à ce fort écart peut être liée aux pays des répondants. Les deux enquêtes ont en commun des vapoteurs anglais. Cependant, la majeure part (73 %) des répondants à ETHRA proviennent de quatre pays qui sont l’Italie, la France, l’Allemagne et l’Espagne. Soit trois pays d’Europe latine sur les quatre. L’aspect sociologique du rapport différent à l’observance des lois, entre la sphère plus « libertaire » en Europe latine et plus « disciplinée » des pays ayant été (ou sont) protestants de manière prédominante, peut avoir joué un rôle dans ce décalage.

Un second facteur possible serait un biais d’autosélection des répondants. La nature activiste de l’ETHRA peut avoir attiré une plus forte proportion de vapoteurs rétifs. Le fait que les résultats sur trois autres options possibles sont très proches semble indiquer que cet éventuel biais n’a pas un grand poids dans les résultats. D’autre part, je pense qu’avec plus de 35 000 répondants, l’enquête de l’ETHRA a touché des participants au-delà de son cercle proche.

Dans les pays européens avec une prohibition des arômes de vape, il y a plus du double d'usagers à recourir au marché noir

Un troisième élément, évoqué dans l’article d’ITC, est que certains vapoteurs canadiens et américains subissent déjà une interdiction d’arômes dans leur État. Mais, les chercheurs n’ont pas été en mesure de déterminer combien de répondants étaient concernés. Dans l’enquête d’ETHRA, les répondants de Finlande, Estonie et Hongrie subissent aussi déjà une interdiction d’arômes : une minorité (45 %) d’entre eux n’utilisent que le marché local conventionnel, tandis que cette part dépasse les 90 % en moyenne dans l’UE. Ce qui donne une indication imparfaite, mais significative de l’ampleur de l’exclusion de consommateurs du marché établi provoquée par les interdictions d’arômes.

Avec des résultats proches de l’enquête d’ETHRA en Europe sur plusieurs options proposées, mais une divergence sur la susceptibilité d’un recours à des sources alternatives, les résultats de l’étude d’ITC en Angleterre et dans les deux pays d’Amérique du Nord confirment le fort risque d’effets contre-productifs à l’interdiction d’arômes de vape. La reprise du tabagisme des jeunes à San Francisco suite à l’interdiction des arômes a déjà tristement montré dans les faits que celle-ci n’a pas plus d’effet protecteur pour les jeunes que pour les plus âgés.

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