L’analyse de 58 études ouvre le débat : les arômes de vape font-ils reculer le tabagisme des jeunes ?


« Nous avons constaté que les e-liquides aromatisés sont un aspect important du vapotage que les jeunes apprécient. Cela suggère que les produits aromatisés peuvent encourager des jeunes à abandonner le tabagisme nocif pour le vapotage moins nocif ».
À la tête d’une équipe de huit chercheurs, la Pr Caitlin Notley, de l’Université d’East Anglia, a passé en revue l’ensemble des études publiées concernant les arômes de vape et les jeunes. 

« Nous voulions en savoir plus sur les liens entre les saveurs de vape, l’adoption du vapotage chez les jeunes et si cela conduit à un vapotage régulier et, potentiellement, au tabagisme », explique la chercheuse référente du travail publié en accès libre dans la revue Addiction. Les chercheurs ont déniché 58 études couvrant des données sur l’utilisation ou les opinions sur le vapotage et les arômes de plus de 500 000 mineurs. 

« Les saveurs peuvent être un facteur de motivation important pour l’adoption de la cigarette-électronique, mais nous n’avons trouvé aucune preuve que l’utilisation d’e-liquides aromatisés a incité les jeunes à commencer à fumer du tabac », synthétise la Pr Caitlin Notley, dans le communiqué de presse annonçant la publication.

58 études hétérogènes

Les 58 études se répartissent en 39 enquêtes transversales, onze suivis de cohorte et huit études qualitatives. Une large majorité (46) est américaine, huit britanniques et quatre d’autres pays (Taïwan, Corée et Mexique). Notamment en raison de l’hétérogénéité des catégories entre les études, une méta-analyse stricte était impossible. « Un manque de définitions claires des principaux facteurs indépendants et dépendants (âge, jeunes, produits du tabac, cigarettes électroniques et arômes) a été observé parmi les articles inclus », soulignent les chercheurs britanniques. 

Quels arômes ?

Un des problèmes à l’analyse des recherches sur le sujet est la définition même d’e-liquide aromatisé. Le fait que les e-liquides goût tabac sont de facto des e-liquides aromatisés ne semble pas être compris par certains chercheurs engendrant des questionnaires parfois absurdes aux résultats douteux. 

« Il a été difficile d’extraire de manière significative des informations spécifiques sur les saveurs qui pourraient être préférées par les jeunes. De nombreuses enquêtes ont regroupé les arômes en catégories (fruits, sucré, tabac, menthol, par exemple), bien que certaines aient collecté des données sur des noms d’arômes spécifiques et d’autres se soient simplement référés à des e-liquides “aromatisés” ou “non aromatisés” », précise l’analyse publiée.

Parmi les travaux analysés, une étude évalue que 8 % des jeunes utiliseraient des arômes « sucrés » (sweet). Une autre souligne une tendance vers les e-liquides « au nom de saveurs qui imitent les boissons alcoolisées », sans que l’on sache si c’est en raison du nom, de la description ou de la saveur elle-même. Cependant, une autre étude semble la contredire en rapportant que la catégorie des e-liquides au nom de boissons alcoolisées est la moins populaire (1,1 %) dans le panel de jeunes sondés. D’autres études ont noté une tendance à l’expérimentation et au nomadisme entre les saveurs de la part des jeunes. 

De manière globale, les « catégories fruitées et saveurs sucrées sont signalées comme les choix les plus populaires chez les jeunes », à l’image des résultats d’études sur les vapoteurs adultes. « Il ne s’agit pas d’un résultat spécifique aux jeunes », précisent les chercheurs britanniques. « Les preuves qualitatives montrent que les descriptions de saveurs, les conceptions d’étiquetage et l’expérimentation de différentes saveurs sont également des aspects importants, suggérant une attraction sensorielle et un plaisir au-delà du simple goût », ajoute l’équipe menée par la Pr Notley.

Un lien avec la poursuite du vapotage

Six études longitudinales montrent une association entre expérimentation de vape avec des arômes autres que tabac et un usage prolongé du vapotage. « L’utilisation de cigarettes électroniques avec des saveurs non traditionnelles (par rapport au tabac seul, à la menthe ou au menthol, ou sans saveur) était positivement associée à la poursuite du vapotage », résume une de ces études.

« L’interprétation de ce résumé des preuves en termes d’implications peut dépendre de l’orientation de santé publique. Une position peut être que l’utilisation d’e-liquides aromatisés utilisés dans les e-cigarettes pourrait détourner les jeunes du tabagisme », soulignent les chercheurs. Au crédit de cette interprétation, les taux de vapotage et de tabagisme des jeunes vont en sens inverse, semblant présenter un effet de vases communicant. Avec une baisse accélérée de la part de jeunes fumeurs sans précédent aux États-Unis et au Royaume-Uni, les deux pays dont proviennent l’extrême majorité des études revues.

L’interprétation opposée, la plus médiatisée, est la peur que le vapotage des jeunes les amène à fumer. De manière étonnante en regard du discours anxieux déployé, la plupart des études ne se sont pas intéressées à l’éventuelle consommation, ou son absence, de nicotine chez les jeunes vapoteurs. Une seule étude « portant sur un échantillon scolaire américain a signalé une nette préférence pour l’utilisation de “juste arôme” sans nicotine », signale le rapport.

Une étude robuste ne montre aucun lien entre arômes de vape et initiation au tabagisme des jeunes

Une méta-analyse de l’Université du Queensland (Australie) avait déjà alerté sur l’extrême mauvaise qualité de dix des onze études publiées avant 2020 concernant le risque de tabagisme induit par le vapotage chez les jeunes. 

Cependant, publiée en 2020, une « étude longitudinale incluse a pu répondre de manière robuste à la question spécifique : “L’utilisation d’arômes de cigarettes électroniques est-elle associée à l’adoption du tabac chez les jeunes ?” « , souligne l’équipe de recherche britannique. L’étude en question, menée par la Pr Abigaïl Friedman de Yale sur des données de suivi sur 4 ans, n’a trouvé « aucune association entre utilisations d’e-liquides aromatisés [autres que goût tabac] et l’initiation ultérieure au tabagisme »

Le vapotage avec arôme, élément clef de la baisse du tabagisme juvénile ?

« Un objectif important pour la santé publique est de protéger les jeunes contre les méfaits de l’exposition primaire et secondaire à la fumée de tabac, notamment en détournant les jeunes du tabagisme nocif. Les arômes d’e-liquides, dans leur attrait pour les jeunes, comme le démontre cette revue, peuvent jouer un rôle important à la fois en tant que détournement du tabagisme et en tant qu’aide au sevrage tabagique », soulignent les auteurs, précisant cependant un manque de données sur l’arrêt tabagique en lien avec le vapotage et l’éventuel rôle des arômes chez les jeunes.

« Un point important est que la tendance observée dans les études transversales, longitudinales et qualitatives incluses dans cette revue est la préférence observée d’essayer différentes saveurs, expérimenter et changer. Ce qui suggère que la variété est un aspect important de l’expérience utilisateur. Il est à noter que cette variété est plus souvent offerte par des fabricants indépendants de l’industrie du tabac. Les produits issus de l’industrie du tabac ont tendance à se concentrer sur une gamme plus limitée de saveurs [42] », soulignent les chercheurs, en se référant à la recherche de la Pr Frances Thirlway.

« Si la variété est importante pour les jeunes, il est donc possible que les jeunes choisissent des produits manufacturés indépendants plutôt que des produits appartenant à l’industrie du tabac, ce qui peut réduire le risque d’exposition aux tactiques de l’industrie du tabac. En outre, il existe des manières indirectes par lesquelles les saveurs peuvent influencer la santé et le bien-être des jeunes vulnérables, notamment via leur effet sur les comportements tabagiques des adultes qui les entourent. Par exemple, en réduisant le rôle de modèle du tabagisme adulte si les saveurs aident le passage des adultes au vapotage », conclut l’équipe de recherche. Le débat est ouvert.

Références et pour aller plus loin :

Youth use of e-liquid flavours—a systematic review exploring patterns of use of e-liquid flavours and associations with continued vaping, tobacco smoking uptake or cessation. Notley, C, Gentry, S, Cox, S, Dockrell, M, Havill, M, Attwood, AS, et al. Addiction. 2021; 1– 15. https://doi.org/10.1111/add.15723

La vidéo de présentation en anglais de la Pr Abigail Friedman au Symposium de l’ARUD (Zh) en novembre 2021.

La vidéo de la présentation du Pr David Levy en octobre 2019 à Paris en version originale (anglais) ou doublée en français.

The struggle for the vape industry: the view from the ground – vidéo (15 mn) en anglais de la Pr Frances Thirlway au Ecig Summit UK en décembre 2020

Credit photo de tête : Chang Duong on Unsplash

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