Le rôle central du vapotage pour sortir la Nouvelle-Zélande du tabagisme

Difficile de comprendre ce qu’il se passe en Nouvelle-Zélande à l’écoute des médias francophones. Pourtant, la stratégie néo-zélandaise pour éliminer le tabagisme d’ici 2025 mérite attention. Notamment parce que l’île du pacifique est un des seuls trois pays, avec le Royaume-Uni et les Philippines, a avoir annoncé respecter le principe de réduction des risques de la Convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT) lors de la COP 9 en novembre dernier. Avec grand succès. L’intégration du vapotage comme aide à l’arrêt tabagique porte déjà ses fruits. Le tabagisme quotidien est passé de 12 % en 2020 à 9 % en 2021, la baisse la plus importante jamais enregistrée en une année en Nouvelle-Zélande.

« La vape fait la différence »

Le rôle majeur de la vape dans cette chute se vérifie avec près de 6 % de vapoteurs dans le pays. « Nous voyons déjà que le vapotage est utilisé par les gens pour arrêter de fumer. Cela nous permet en fait d’aller de l’avant avec d’autres actions pour réduire le tabagisme, car il existe une alternative qui fonctionne très bien pour les gens afin d’arrêter de fumer. Nous savons que le vapotage fait une différence pour ceux qui veulent maintenant arrêter de fumer, c’est donc un outil important », explique la Première ministre Jacinda Ardern aux médias le 9 décembre.

Cible particulière pour réduire les inégalités sociales de santé, l’effet est impressionnant dans la population maorie touchée de longue date par un tabagisme massif. En 2012, 38 % des Maoris fumaient quotidiennement, ce taux a chuté à 22 % en 2021, alors qu’il était encore de 29 % une année auparavant. En miroir, le vapotage quotidien, qui était à moins de 2 % en 2015 et un peu plus de 5 % en 2020, est passé à plus de 12 % en 2021. Le taux d’arrêts tabagiques a lui aussi pris l’ascenseur, atteignant 16 % des tentatives en 2021.

L’épuisement de la stratégie des hausses de prix

Pourtant, pendant longtemps la Nouvelle-Zélande a suivi le modèle australien purement répressif. Cette approche s’appuie sur des hausses de taxes du tabac, ce qui a poussé le prix du paquet de cigarettes à plus de 21 € (35 $NZ). Ainsi que des restrictions d’usage dans les espaces publiques depuis 2004 et le paquet neutre depuis 2018. « Tout le monde s’accorde à dire que nous devons faire plus pour essayer de réduire le nombre de personnes qui commencent à fumer et, s’ils fument, trouver des alternatives plus sûres et des moyens d’arrêter et c’est de cela dont il s’agit », précise la Première ministre.

Avec l’approche puritaine, les Néo-Zélandais s’étaient heurtés au même palier de stagnation du tabagisme que l’Australie depuis 2013. Mais contrairement à leurs voisins, la Nouvelle-Zélande s’est ouverte à d’autres approches, consciente que les hausses de prix sans voie de sortie deviennent contre-productives à partir d’un certain niveau. « Le gouvernement reconnaît qu’aller plus loin [dans les hausses de prix] n’aidera pas les gens à arrêter de fumer, il ne ferait que punir davantage les fumeurs qui ont du mal à arrêter de fumer », résume la Dre Ayesha Verall, ministre de la Santé.

Réduire l’attrait du tabac

« Aujourd’hui, nous traçons une ligne dans le sable, pour dire que continuer à augmenter les prix ne continuera pas à ce stade à aider les gens à arrêter de fumer. Et maintenant, nous devons donc examiner les alternatives. Nous avons fait tout ce que nous pouvions à ce niveau et ce plan d’action concerne la suite », annonce la Première ministre Jacinda Ardern.

Le plan présenté pour une Nouvelle-Zélande Sans Fumée 2025 envisage d’une part de réduire le nombre de lieux de vente de tabac d’environ 8000 à 500, maintenir le prix du tabac élevé, et surtout imposer au tabac un taux maximum de nicotine très bas (VLNC). Les filtres des cigarettes pourraient aussi être interdits. 

En regard de l’interdiction du tabac contenant un niveau de nicotine habituel, la proposition d’interdire la vente de tabac à toute personne née après le 1er janvier 2009 fait plus figure d’effet d’annonce. L’adoption de ces différentes mesures sera proposée au Parlement l’an prochain. Des résistances et une bataille politique sont très probables, les intérêts des cigarettiers, des pays producteurs de tabac et de l’industrie pharmaceutique se rejoignant contre le projet.

Changement de jeu

De l’autre côté, le vapotage est traité tout à fait différemment par les modifications de loi entrées en vigueur le 9 août dernier. Il n’y a pas de quota sur le nombre de lieux de vente du vapotage. Avec un statut spécifique, les magasins spécialisés de vape peuvent présenter et proposer des produits de vape dans toutes les saveurs disponibles. Les magasins généralistes sont par contre limités aux aromes tabac, menthe et menthol et sans exposition des produits. 

Aussi, la vape est autorisée à des taux en nicotine jusqu’à 50 mg/ml en sels de nicotine et 20 mg/ml en nicotine basique. La teneur totale par contenant est limitée à 1,8 gr de nicotine. Soit jusqu’à 36 ml en 50 mg/ml de nicotine, 90 ml en 20 mg/ml ou plus dans des concentrations plus légères. Enfin, autre énorme différence avec les pays européens, l’information sur la réduction des risques se poursuit. Par ailleurs, le snus et les nicotine pouches devraient être autorisés.

« Remplacer complètement votre cigarette par la vape réduira les dommages pour votre santé » – « Si vous fumez, passer complètement au vapotage est une option beaucoup moins nocive » sont les deux messages autorisés à l’affichage aux détaillants par la loi (art. 73) entrée en vigueur le 9 août en Nouvelle-Zélande.

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« Nous avons beaucoup poussé, stigmatisé, pénalisé les fumeurs de cigarettes. Maintenant, nous nous occupons de les aider, de les soutenir, de leur permettre d’arrêter plus facilement et de passer à des produits moins nocifs. Le nouveau plan est vraiment un game changer », estime le Pr Robert Beaglehole, président d’Action for Smokefree 2025, dans son interview à 1 News.

Les cigarettes à très bas taux de nicotine (VLNC)

Dans la communauté de santé publique, des voix, notamment Clive Bates, doutent de la limitation des cigarettes à un très bas taux de nicotine. Ces cigarettes dites VLNC (very low nicotine content) sont confectionnées avec un tabac transgénique ne contenant que 0,05 % de nicotine, contre de 1 % à 2 % pour les cigarettes conventionnelles. Les cigarettes VLNC sont censées ne pas induire de dépendance. 

Cependant, elles ne réduisent pas les risques en elles-mêmes. Ceux-ci proviennent des toxiques de la combustion, mais elles éviteraient l’accoutumance et la dépendance. Mises sur le marché aux États-Unis, elles ne rencontrent aucun succès. L’idée du plan néo-zélandais est d’interdire les autres cigarettes, pour ne laisser accessible que du tabac à très faible taux de nicotine. 

Le risque d’une telle interdiction est l’essor d’un marché noir de cigarettes « normales ». Sur cet aspect, la Nouvelle-Zélande a l’atout géographique d’être une île. Cependant, l’exemple de l’Australie montre que même une île peut difficilement bloquer le trafic de cigarettes lorsque leur prix au marché noir atteint un niveau permettant à la criminalité organisée de mettre les moyens.

Des mesures conçues pour fonctionner ensemble

D’où l’importance d’alternatives à risque réduit avec des niveaux de nicotine convenable pour détourner les fumeurs et réduire la demande pour un marché noir de tabac. Ce plan reste un pari inédit, mais les mesures ont été conçues pour agir en concert. « Aucune intervention seule ne nous aidera à atteindre un objectif sans fumée en 2025. Il faut une approche multidimensionnelle et des mesures fondées sur des preuves pour éradiquer le tabagisme », précise dans son introduction le plan NZ Smokefree 2025

Cet aspect de stratégie globale avec une réflexion sur la complémentarité des mesures a été complètement raté par les médias français dans leur couverture du sujet ces derniers jours. Pour ma part, je reste dubitatif sur la prohibition du tabac, déguisée à travers l’imposition des cigarettes VLNC. Mais il est clair que cette mesure n’est pas isolée. Elle s’accompagne du soutien à des alternatives à risque réduit permettant aux fumeurs de sortir de la nasse. 

« Ce qui change la donne, c’est que le gouvernement reconnaît que fumer est particulièrement nocif et que des produits moins nocifs vont être promus, le vapotage notamment. Je pense qu’il va privilégier les produits les plus sûrs et les moins nocifs par rapport aux plus nocifs du tabac brûlé. Cette approche va être très puissante », insiste, optimiste, le Pr Robert Beaglehole.

Pour aller plus loin :

Interview (1mn) de Jacinda Ardern, la Première ministre : https://youtu.be/qQptPaXaVJ0 

Interview du Pr Robert Beaglehole : https://www.1news.co.nz/2021/12/09/smokefree-2025-action-plan-a-game-changer-advocate-says/

Plan NZ Smokefree 2025 : https://www.health.govt.nz/our-work/preventative-health-wellness/tobacco-control/smokefree-aotearoa-2025-action-plan 

Histoire du plan NZ Smokefree 2025 : https://www.health.govt.nz/our-work/preventative-health-wellness/tobacco-control/smokefree-aotearoa-2025-action-plan/history-smokefree-aotearoa-2025

Témoignage d’une ex-fumeuse : https://www.1news.co.nz/2021/12/01/record-number-of-kiwis-gave-up-cigarettes-in-the-past-year/

Le site d’information sur le vapotage du Gouvernement Néo-Zélandais : https://vapingfacts.health.nz/

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