Prochain PNLT (2) : Comment la mise à l’écart de la réduction des risques a déjà relancé le tabagisme en France

Ceci est le deuxième volet de notre série consacrée au projet de renouvellement du Programme National de Lutte contre le Tabac (PNLT) 2023-2027 en France. Ce billet retrace les évolutions et les effets des politiques antitabac depuis 2014, afin de saisir le contexte dans lequel intervient le très inquiétant projet de PNLT soumis par la Direction générale de la santé (DGS) à la 1re ministre Élisabeth Borne.

Pour faire un point d’actualité du dossier, rappelons que depuis notre précédent volet, le ministre de la Santé François Braun a confirmé, de manière floue, le projet d’interdire les arômes de vape sur France Info le 14 février. Il évoque une interdiction au niveau de l’Union européenne (UE) avec le soutien de l’Allemagne. Ce qui l’imposerait de facto aussi en France. Son intervention mélange les arômes de vape, les puffs, la théorie imaginaire de l’effet passerelle, le séisme en Turquie et Syrie et des chiffres à côté de la plaque. La séquence rend difficile une compréhension claire de ses projets précis.

Dans le programme de PNLT que voudrait faire passer la DGS, l’interdiction des arômes de vape sauf goût « tabac » serait le point d’orgue d’un train de mesures pour « réduire l’attractivité du vapotage », selon le vocable bureaucratique. Une telle interdiction devrait, évidemment, passer par un changement législatif. À côté de la stratégie contre la réduction des risques, le projet comprend également un durcissement de la lutte contre le marché noir du tabac, déjà annoncé en décembre par le ministre délégué Gabriel Attal, et deux hausses optimisées à 5 % des taxes tabac. La première vient d’être appliquée ce 1er mars, la seconde est programmée en 2024, par la loi de finances de la sécurité sociale passée par 49-3 en décembre dernier.

Les principaux objectifs de la DGS contre la réduction des risques visent à obtenir une interdiction des arômes de vape sauf celui « tabac », une multiplication des campagnes de propagande contre le vapotage, une intensification des contrôles des lieux de vente et un durcissement des recommandations aux professionnels de soins contre l’arrêt tabagique à l’aide de la vape. Quant à une taxation anti-vape, pour éviter d’en endosser la responsabilité devant l’opinion publique, le gouvernement préfère la laisser être imposée au niveau européen.

En bref :

  • 2014-2016 : hausse du tabagisme de 34 % à 35 %
    • Peu d’action politique
    • Apparition de la vape au niveau grand public en France
  • 2016-2019 : baisse sans précédent du tabagisme de 35 % à 30 %
    • Opérations positives d’aide à l’arrêt tabagique, notamment Mois Sans Tabac
    • Amélioration du remboursement des substituts nicotiniques
    • Intégration de la vape aux dispositifs pour l’arrêt tabagique
    • Promotion de la vape comme aide à l’arrêt tabagique
    • Paquet neutre introduit en 2017
    • Hausses de taxe du tabac à partir de fin 2017
  • 2019-2022 : relance à la hausse du tabagisme de 30 % à 32 %
    • Hausses en série des taxes sur le tabac
    • Exclusion du vapotage des dispositifs d’aide à l’arrêt tabagique
    • Dénigrement de la vape, notamment par des campagnes médiatiques d’organisations subventionnées
    • Campagnes culpabilisantes contre les fumeurs
    • Absence d’aide et de promotion des outils de réduction des risques durant la période Covid, contrairement aux pays qui ont vu leur tabagisme fortement baissé à cette période
    • Chasse aux sorcières contre les défenseurs de l’approche de réduction des risques avec des méthodes plutôt dégueulasses
  • En somme,
    • les campagnes positives et inclusives pour l’arrêt tabagique fonctionnent,
    • l’intégration du vapotage a boosté l’arrêt tabagique et la campagne Mois Sans Tabac,
    • les hausses de taxes sur le tabac ne marchent pas seules,
    • les campagnes avilissantes contre les fumeurs sont contre-productives
    • le dénigrement du vapotage a profité au tabagisme
  • Le manque de vision stratégique moderne de la DGS depuis 2018, arc-boutée sur des dogmes simplets et dépassés, est la principale cause de l’échec catastrophique de sa politique sur le tabac. Malgré des hausses violentes des taxes, le tabagisme a augmenté à l’inverse des pays où la réduction des risques est intégrée à la politique tabac. C’est un énorme gâchis, mais les responsables semblent ne jamais avoir à rendre de compte de ce désastre de santé publique.

Ouverture à la vape et chute du tabagisme de 2016 à 2019

Le projet de renouvellement du PNLT pour 2023 à 2027 poursuivrait, en la radicalisant, l’orientation prise par la DGS depuis qu’elle est dirigée par le Pr Jérôme Salomon, nommé en 2018 par Agnès Buzyn éphémère ministre de la Santé jusqu’au Covid. Pourtant, la baisse d’une ampleur sans précédent du tabagisme en France, entre 2016 et 2019, avait coïncidé avec l’ouverture au vapotage et à une stratégie de réduction des risques initiée par son prédécesseur à la tête de la DGS, le Pr Benoît Vallet.

En 2016, les autorités de santé françaises veulent suivre l’exemple avant-gardiste britannique. Elles lancent notamment le Mois Sans Tabac, copie avouée du Stoptober anglais. L’approche se veut centrée sur le soutien à l’arrêt tabagique, en contraste des approches culpabilisantes ou avilissantes classiques. « Moi(s) sans tabac, c’est une campagne positive. Elle vise à valoriser ceux qui arrêtent de fumer et ceux qui les aident à tenter d’arrêter de fumer. Ce n’est pas une opération moralisante », explique à son lancement le Pr François Bourdillon, alors directeur de Santé Publique France (SPF).

Le modèle britannique et ses succès en matière de baisse du tabagisme inspirent également les autorités françaises sur le volet de la réduction des risques. Moment clef, le Pr Benoît Vallet, directeur de la DGS, participe au 1er Sommet de la vape en mai 2016. Il reviendra l’année suivante, puis, à titre personnel après son mandat, à la 3e édition en 2019.

La vape incluse dans la lutte pour faire baisser le tabagisme

Dans la foulée du 1er Sommet, il crée en 2016 le groupe de travail vapotage, sous l’égide de la DGS, pour enclencher le dialogue entre associations d’usagers, agences de santé gouvernementales, organisations de professionnels de soins, des organisations antitabac et les professionnels de vape indépendants de l’industrie du tabac. L’industrie du tabac, y compris les organisations comprenant des entreprises de vape filiales de cigarettiers, en est exclue, en raison de l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’OMS que la France a signé et ratifié. [précision dédiée à France Vapotage qui semble se faire balader, ou se méprendre, par la DGS actuelle]

En 2016, les publicités du Mois Sans Tabac évoquaient l’arrêt tabagique à l’aide du vapotage :

 

Le vapotage est intégré à l’opération du Mois Sans Tabac dès l’édition de novembre 2016. Des clips vidéo avec les acteurs de la série à succès Plus belle la vie évoquent l’arrêt tabagique, y compris avec la vape. Pour l’édition 2017, les organisateurs du Mois Sans Tabac accueillent un groupe d’entraide autogéré par des usagers de vape, tandis que des bénévoles de l’Aiduce sont accueillis sur les stands physiques dans différentes villes. L’année suivante, une petite subvention est accordée à l’association Sovape pour former une trentaine d’aidants de groupes d’autosupport.

Du côté des professionnels sociosanitaires sur le terrain, la vape est utilisée comme aide à l’arrêt tabagique par la plupart des organismes, à l’instar de la Fédération Addiction ou du Réseau de prévention des addictions (RESPADD). La Vape du Cœur collabore activement avec des lieux de soin. Les choses avancent. Les tenants de la ligne puritaine antitabac ronchonnent, mais les résultats sont là.

En 2017, plus de 870 000 ex-fumeurs remercient déjà la vape

Fin 2016, avant même les hausses des taxes et l’entrée en vigueur du paquet neutre, la France compte déjà un million de fumeurs de moins par rapport à l’année précédente. La dynamique se poursuit en 2017 avec 600 000 autres fumeurs de moins. Santé Publique France évalue alors l’impact spécifique du vapotage sur l’arrêt tabagique : 1,2 million d’ex-fumeurs ont utilisé le vapotage parmi lesquels 870 000 lui attribuent la réussite de leur arrêt de la cigarette, dont 700 000 étaient fumeurs quotidiens. Indiscutablement, la vape joue un rôle majeur dans la chute sans précédent du tabagisme qui est en train de se jouer en France.

Suite à des hausses de taxe, la dynamique de baisse du tabagisme se poursuit en 2018 puis 2019. « Parmi les outils d’aide au sevrage tabagique, la cigarette électronique est le plus utilisé par les fumeurs pour arrêter de fumer. Cette utilisation s’inscrit depuis quelques années dans une stratégie de réduction des risques », précise François Bourdillon, alors directeur de SPF, dans son dernier édito au Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) en 2019.

Le taux de Français qui fument au quotidien est ainsi passé de 29,5 % en 2016 à 24 % en 2019. À ce rythme, il aurait dû plonger sous la barre des 20 % en 2022. Cependant, les nouveaux responsables des organes de santé publique, en particulier de la DGS, ne vont tenir compte ni des données ni de la dynamique positive. En coulisses, le revirement a déjà commencé.

La relance du tabagisme, malgré des hausses des taxes

Entré en fonction en janvier 2018 à la tête de la DGS, Jérôme Salomon va peu à peu mettre fin aux différentes initiatives intégrant le vapotage. Début 2019, la destruction du groupe de travail vapotage est officialisée. « Aujourd’hui, le comité de coordination du PNLT constitue le lieu d’échanges stratégique pour l’ensemble des acteurs de la lutte contre le tabac. Les usagers du vapotage devront privilégier cet espace pour faire connaitre leurs positions et faire évaluer la connaissance sur ces produits », répond le Ministère de la Santé le 17 janvier 2019 à une question du Sénateur François Bonhomme.

Les associations Sovape ou la Vape du Cœur n’ont jamais eu l’occasion de participer à ce comité de coordination du PNLT. Jérôme Salomon s’opposant personnellement, sans donner de justification, à la participation de Sovape.

Jérôme Salomon, destructeur général de réduction des risques

Dans la même logique, le soutien au groupe d’entraide à l’arrêt tabagique avec le vapotage sur Facebook n’est pas reconduit lors des nouvelles éditions du Mois Sans Tabac. Puis l’information sur le vapotage se réduit un peu plus chaque année jusqu’à disparaitre, comme le constate la Vape du Cœur.

« La vape est passée sous les radars durant le Mois Sans Tabac 2022. Comment se fait-il que le moyen de réduction des risques le plus populaire (et le plus efficace) fût à ce point occulté durant ce mois emblématique de la lutte contre le tabagisme ? Nous le savons à La Vape Du Cœur, le vapotage était bien accueilli lors du Moi(s) Sans Tabac et ce, depuis sa création en 2016. C’est d’ailleurs à partir de cet évènement que notre association a décollé dans le monde de la réduction des risques du tabac », déplore la Vape du Cœur sur son site en décembre 2022.

L’effacement de la vape dans la communication publique des agences de santé s’accompagne de la diffusion de consignes au milieu sanitaire pour décourager l’accompagnement de l’arrêt tabagique à l’aide du vapotage. Climax de cette stratégie de sabotage, la publication du rapport du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) en janvier 2022, sur lequel nous reviendrons. Dans la foulée, le ministère de la Santé publie des recommandations, de manière anonyme [sic !], contre le vapotage.

Les recommandations anonymes du Ministère de la Santé

Le ou les auteurs anonymes du ministère de la Santé prétendent que « les données actuellement disponibles ne sont pas concluantes quant à l’efficacité des produits du vapotage en tant qu’outil pour arrêter de fumer ». Ceci en totale contradiction des résultats d’études de Santé Publique France et de la métanalyse de l’Institut Cochrane, un organisme reconnu mondialement.

La publication anonyme va encore plus loin en intimant que les « produits du vapotage ne doivent pas être utilisés durant la grossesse ». Une recommandation sans nuance qui s’est accompagnée de plus en plus de cas où des professionnels de santé, y compris des gynécologues, encouragent leur patiente enceinte à abandonner le vapotage pour recommencer de fumer. Il était effectivement plus prudent pour les auteurs du Ministère de ne pas signer et assumer la responsabilité légale de cette publication.

Le financement du travail de sape

En parallèle de cette mise à l’écart de la vape, le « Fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives » (le Fonds) attribue à partir de 2018, sous le volet « Mobilisation de la société civile », des millions € à des organisations pour des actions et de la propagande essentiellement anti-vape sous couvert de lutte antitabac. Une analyse détaillée indépendante serait nécessaire, mais le Fonds se contente de bilans aux allures d’autosatisfecits, en dépit de l’échec flagrant de la politique sur le tabagisme depuis 2019. Pourtant, même un survol rapide permet de comprendre un effet de détournement de la lutte antitabac pour, en réalité, financer le dénigrement des approches de réduction des risques.

Pourtant, dans son cahier des charges, le Fonds souligne le fardeau sanitaire du tabagisme, les 75 000 décès prématurés qu’il provoque, et la forte amplification des inégalités sociales de celui-ci depuis 2019. Rien n’est dit sur le vapotage et son potentiel de réduction des risques, bien que le Fonds annonce que l’aide à l’arrêt tabagique est un de ses quatre axes prioritaires. Cependant, la liste des subventions attribuées à la « Mobilisation de la société civile » montre très peu, à la fois en nombre et en budget, de soutien financier à des initiatives d’aide à l’arrêt tabagique. Au contraire de fortes sommes sont accordées à des organisations connues pour leur ligne idéologique contre la réduction des risques et pratiquant le dénigrement de la vape.

L’Alliance contre le tabac (ACT) a obtenu ainsi 5,7 millions € (3,7 millions € en 2019, puis 2 millions € en 2020). Son président omnipotent Loïc Josseran s’est rendu célèbre pour ses saillies contre le vapotage, obtenant même le surnom de josserantigel. Il est également membre du conseil d’administration du Comité national contre le tabagisme (CNCT).

Le CNCT, justement, vient de déclencher en février une campagne pour faire interdire les arômes de vape. L’opération est le fruit d’une subvention accordée fin 2019 de 400 000 €, et rallongée d’une seconde de 500 000 € en octobre dernier. Une opération préparée de longue date donc. Le même CNCT, associé à DNF, a également reçu par deux fois 700 000 € pour son blog Génération sans tabac, connu pour répandre des calomnies contre des chercheurs, des médecins et des défenseurs des approches de réduction des risques, ainsi que la reprise d’éléments de langage contre la réduction des risques d’États-cigarettiers comme l’Inde. Etcetera. Nous reviendrons plus en détail dans un billet en complément.

Un air toxique

Ce travail de sape hautement subventionné a progressivement installé un climat hostile à la réduction des risques en France, avec la mise à l’écart des associations de défense et des professionnels sociosanitaires favorables à l’approche. Outre des diffamations mensongères contre des tabacologues et des chercheurs sur le blog du CNCT, plus discrètement en coulisse, une campagne de calomnies et de menaces a même réussi à empêcher la participation d’un chercheur norvégien au congrès de l’INCa.

Filtrages contre des recherches, menaces contre les défenseurs de la réduction des risques, procédures bâillons contre la liberté d’expression sur la réduction des risques, campagnes de dénigrement, etc. En quelques années, l’atmosphère française sur le domaine est devenue aussi irrespirable qu’un fumoir.

Le projet de PNLT 2023-2027 empirerait le désastre

Sur la base de ce que nous avons eu connaissance du projet, le PNLT soumis par la DGS radicaliserait cette tendance. Les acteurs de terrain, déjà peu soutenus auparavant, seront encore un peu plus délaissés financièrement au profit des organisations spécialisées dans le « marketing social » anti-nicotine et anti-vape. En somme, moins d’aide, plus de propagande. Depuis 2018, ce marketing social s’est surtout concentré contre la nicotine et la vape cultivant la mésinformation du public.

Une étude de l’Institut National du Cancer (INCa) vient de confirmer les données des sondages annuels de Sovape : plus de 80 % des Français croient à tort la nicotine cancérigène et une majorité croit que fumer n’est pas plus nocif que vapoter. La peur entretenue de la nicotine a évidemment pour effet majeur de maintenir les fumeurs dans la cigarette en les décourageant de s’aider avec un outil efficace pour arrêter de fumer. Sans aide, 96 % échouent dans leur tentative d’arrêt. La désinformation sur la nicotine permet ainsi de maintenir un haut niveau de tentatives d’arrêts, mais avec un très faible taux de réussites. Résultat, les fumeurs fument toujours avec en plus un fort sentiment d’échec personnel culpabilisant.

Le dénigrement des aides à l’arrêt porte préjudice de manière particulièrement violente aux personnes tentant d’arrêter de fumer en ayant moins de ressources disponibles en temps, en disponibilité d’esprit, ou en argent pour compenser par des loisirs ou des soutiens psychologiques. Ce sont les groupes sociaux les plus faibles, les personnes ayant des charges mentales élevées, les personnes dont le souci personnel d’arrêter de fumer ne peut pas être en haut de leur priorité parce que la survie matérielle de leur foyer passe avant. En bref, les bas revenus et plus particulièrement les femmes sont les victimes de la mésinformation contre la nicotine et le vapotage comme aides à l’arrêt tabagique. Ceci se vérifie dans les statistiques de Santé Publique France.

Une politique pseudo antitabac aux conséquences réellement antisociales

La brève période d’ouverture à la réduction des risques en France avait le plus bénéficié au tiers de la population le moins aisé financièrement. La proportion de fumeurs y a reculé de près d’un quart entre 2016 et 2019. Le retour à une politique régressive a relancé le tabagisme dans cette part de la population et la classe moyenne. « Entre 2019 et 2020, la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté de 29,8 % à 33,3 % parmi le tiers de la population dont les revenus étaient les moins élevés », soulignait Santé Publique France en mai 2021.

La politique hostile à la réduction des risques a, de manière indubitable, pour conséquence l’injustice sociale. Un choix politique qui se traduit par une perte d’espérance de vie de 10 à 14 ans pour ses victimes et un poids fiscal pesant exagérément sur les classes défavorisées. La surtaxation du tabac agit comme un mécanisme de solidarité inversé où, au niveau collectif de classes sociales, les plus démunis sur-cotisent au profit des classes sociales à hauts revenus. Un recul de l’âge de la retraite accentue(rait) évidemment encore ce mécanisme inégalitaire.

La mauvaise excuse du Covid ne tient pas

La mauvaise excuse du Covid, coupable de la hausse de tabagisme selon les hauts fonctionnaires français, ne tient pas. Dans les pays soutenant la réduction des risques, la période de Covid a, au contraire, suscité une vague d’arrêts tabagiques. De manière assez évidente, un grand nombre de fumeurs ont été motivés à stopper de fumer dans les situations de promiscuité ou de confinement strict avec leurs proches.

Ainsi, pour se limiter à deux exemples clairs et suffisants bien qu’il y en est d’autres, l’Angleterre a vu son taux de fumeurs dégringolé d’un quart et la Nouvelle-Zélande d’un tiers entre 2019 et 2021, quand il augmentait de près de 8 % en France. Alors même que le niveau stratosphérique du tabagisme français par rapport à celui de ces deux pays devrait rendre nettement plus facile de le faire baisser avec quelques leviers politiques efficaces.

Les ados pris en otages par les intégristes

Au niveau des adolescents, instrumentalisés par les anti-vape pour habiller d’un voile de « prévention » leurs pulsions répressives, les analyses de l’OFDT et de l’INSERM ont mis en lumière, sur un suivi de près de 39 000 jeunes, une réduction de près de 40 % du risque de fumer chez ceux qui avaient vapoté. Cet effet de diversion de la vape en évitant l’entrée en tabagisme se traduit par une baisse sans précédent du tabagisme adolescent en France, comme le montrent les données de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT).

Graphique réalisé par l’AIDUCE à partir des données de l’OFDT

Filtrés par la direction de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), les résultats de ces études de l’OFDT ne semblent jamais avoir été portés à connaissance ni du grand public ni des décideurs politiques. Ce faisant, la Mildeca laisse le champ libre aux opérations médiatico-politiques du CNCT et de l’ACT mentionnées ci-dessus. Par exemple, le sondage de l’ACT sur 400 jeunes, parmi lesquels il s’en trouve huit (8) qui ont essayé une puff et essayé de fumer. Huit jeunes ont suffi aux médias pour s’autoriser à affirmer la délirante théorie de la passerelle, emballée dans le marketing sensationnaliste d’épidémie de vapotage. Même les théoriciens de la terre plate ont plus d’arguments.

L’hystérie médiatique sur le vapotage des jeunes est-elle justifiée ?

Plus sérieux le suivi au long cours de l’OFDT montre que 25,1 % des adolescents de 17 ans fument au quotidien, tandis que 1,9 % vapotent au même rythme. « Seuls 3,8 % des jeunes de 17 ans disent avoir essayé [le vapotage] sans avoir jamais fumé de tabac auparavant », précise l’OFDT, dans sa publication sur 20 ans de recherche Escapad.

La première génération vape est la seule à moins fumer

En France, la première génération ayant vécu l’apparition de la vape en adolescents est à présent âgée de 18 à 24 ans. Alors que la génération précédente comptait 39 % de fumeurs quotidiens à cet âge en 2010, celle-ci en compte un quart de moins avec 28 %, selon les données de SPF. Cela reste très élevé, mais c’est le seul groupe d’âge adulte à connaitre une baisse du taux de tabagisme depuis 2019. Cependant, elle concerne essentiellement les jeunes hommes, comme le montre le détail des évolutions du tabagisme par groupes d’âge (voir graphique). Cela est peut être lié au fait que le vapotage était très « masculin » chez les « early adopters ».

Cette baisse du tabagisme chez les jeunes adultes ayant vécu l’essor du vapotage durant leur adolescence confirme l’absence d’effet passerelle du vapotage vers le tabagisme. Si le vapotage amenait à fumer, le tabagisme de ces jeunes adultes confrontés au vapotage durant leur adolescence aurait dû augmenter, ou ralentir sa baisse. Au contraire, la baisse est majeure. Elle constitue un indice fort supplémentaire que le vapotage permet à des jeunes d’éviter de commencer de fumer.

Ces observations en France rejoignent les analyses internationales sur l’énorme accélération de la chute du tabagisme chez les adolescents depuis l’essor du vapotage, notamment aux USA et au Royaume-Uni. Seule une dizaine d’études comportant des lacunes méthodologiques propices à de forts biais, comme l’a montré la métanalyse de l’Université du Queensland (Australie), sert à nourrir le mythe de « l’effet passerelle » recyclé de la vieille idéologie puritaine.

Incompétents ou malhonnêtes ?

Ces éléments, y compris les résultats des études menées par les organismes d’État français, ont été ignorés par la DGS dans l’élaboration de son projet du nouveau PNLT. Les hauts fonctionnaires ont snobé les études dérangeantes et les associations qui contredisaient leur a priori. Dernière possibilité pour celles-ci, déclencher un rapport de force politique pour être prises en compte. Au terme de ce « scan » du traitement du vapotage et de la politique antitabac, je suis très inquiet sur le très faible niveau de fiabilité et de rigueur, voire d’honnêteté, des décisions des autorités actuelles de santé publique en France.

Dans la suite de notre série d’articles sur ce prochain PNLT, nous reviendrons sur des éléments du Fonds de lutte contre les addictions, puis sur le rôle du rapport anti-vape du HCSP dans le dispositif politico-médiatique mis en place pour dénigrer la réduction des risques. Ceci avant de farfouiller dans les comptes pour se demander si toute cette débauche d’incompétence de santé publique ne s’explique pas par une simple et cynique histoire de pognon.

from Vapolitique https://ift.tt/zYBuDOE
via IFTTT

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.