Quel scandale force l’OMS à annuler la COP10 antitabac au Panama ?

Recours de l’Association pour la réduction des méfaits du tabagisme (ARDTP) contre la prohibition de la vape accepté par la Cour Suprême, révélation du scandale à 5 millions $ du contrat du Consortium COP 10, et enfin annulation de la COP10 antitabac de l’OMS à une dizaine de jours de l’événement, les autorités panaméennes vivent une mauvaise série, mais elle n’est pas du au hasard.

Le secrétariat de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient d’annoncer annuler sa 10e convention (COP10) qui devait se tenir du 20 au 25 novembre au Panama. « Suite à une communication reçue du Panama (…), il n’est plus possible d’y tenir la COP10 et la MOP3 en novembre 2023, comme prévu », se borne à expliquer un premier communiqué de l’OMS ce 9 novembre. Un second communiqué, qui n’est pas en ligne, joue la carte des troubles sociaux. « À la lumière de la situation à laquelle le pays fait actuellement face et son potentiel impact sur la sécurité des délégués et la conduite des rencontres internationales, il n’est désormais plus possible de convoquer la COP 10 », précise cette fois le Secrétariat de la CCLAT.

Les organisateurs se sont tirés à un mois de la COP10

Cependant si les manifestations contre un contrat minier se multiplient au Panama, l’annulation de la COP10 pourrait plus probablement être la conséquence d’un autre scandale révélé par le quotidien la Prensa. Celui-ci porte sur le contrat d’organisation de la COP10 non honoré pour lequel 5 millions $ avaient été attribués par le ministère de la Santé (MinSa) panaméen. La résiliation du contrat a été actée par le gouvernement fin octobre, celui-ci se retrouvant sans aucun prestataire pour assurer la tenue de l’événement.

L’OMS ne pipe mot sur le scandale du Consortium COP 10

En effet, à moins d’un mois de la Convention, le Consortium COP 10 estimait l’enveloppe allouée de 4 881 732 $ insuffisante et réclamait une rallonge, de deux millions $ selon la presse locale. Rallonge que le Gouvernement du Panama n’a pas accordée. Le consortium COP 10 a fait défaut et s’est tout simplement retiré. Ce qu’il est advenu de l’argent engagé est inconnu. Le ministère de la Santé assurait tout de même le 31 octobre à la Prensa que la résiliation du contrat n’empêcherait pas la tenue de la COP 10. Mais « sans donner le nom du nouvel organisateur qui remplacera le consortium », précisait le quotidien panaméen.

Dix jours plus tard, ce 9 novembre, le Secrétariat de la CCLAT vient donc d’annuler la COP 10, dans le sillage de la mort de deux manifestants au Panama lors de manifestations contre un dévastateur contrat minier. Sans piper mot sur le scandale du contrat d’organisation de son événement.

Cinq millions $ pour la COP10

Pourtant, le montant de 5 millions $ pour la réception des délégués des 182 pays membres et de l’Union européenne, certes accompagnés aussi de lobbyistes appartenant pour l’essentiel à des organisations liées au financier Michael Bloomberg, paraissait déjà démesuré pour un pays miné par la pauvreté, l’inflation et la corruption. « Avec la moitié de cet argent ou même le budget d’un seul jour de ces réunions, nous pourrions acheter des couveuses pour les nouveau-nés, des milliers de médicaments, des fournitures et du matériel pour remplacer ceux endommagés », déplorait Fernando Castañeda, directeur de la Caisse de sécurité sociale (CSS) en août dernier.

La Cour Suprême accepte le recours contre la prohibition de la vape

Laurentino Cortizo, le président panaméen lors du Bloomberg New Economy Gateway à Panama City en mai 2022

En parallèle, les autorités panaméennes avaient aussi décidé de prohiber totalement le vapotage. Cependant, la Cour Suprême vient d’accepter le 21 septembre d’entrer en matière sur le recours pour inconstitutionnalité, déposé par l’Association pour la Réduction des méfaits du tabagisme du Panama (ARDTP). La loi 315, adoptée le 30 juin 2022, interdirait « l’utilisation, l’importation et la vente de systèmes électroniques d’administration de nicotine (ENDS), de cigarettes électroniques, de vapes, d’appareils à tabac chauffé et d’appareils similaires, qu’ils contiennent ou non de la nicotine ».

La décision de la Cour Suprême vient donc là aussi chambouler les plans du gouvernement. « La Cour accepte d’entendre une affaire, lorsqu’elle détermine qu’il existe des éléments suffisants pour étayer une réclamation », explique Tomas Sanchez, président de l’ARDTP, à Ecig Intelligence, avant de préciser : « Le tribunal va maintenant examiner les preuves que nous avons présentées pour soutenir notre allégation d’inconstitutionnalité, les vérifier et déterminer si nous avons raison ou non ». La date du procès n’est pas encore fixée.

Le jugement sera déterminant pour le droit à l’accès à la réduction des risques pour les Panaméens. Au-delà, il pourrait marquer un tournant contre l’offensive illibérale de Michael Bloomberg minant le droit personnel à prendre soin de soi qu’il mène dans de multiples pays. Entre droit personnel à prendre soin de soi et conception où les autorités disposent des corps et leur imposent leurs choix, l’enjeu du recours contre la prohibition touche au droit à la santé. L’entrée en matière de la Cour Suprême panaméenne est déjà une reconnaissance de cet enjeu fondamental de droit humain.

Une nouvelle économie de la mort

Le modèle économico-politique du pouvoir du Panama consistant à livrer les ressources et la population aux multinationales semble rencontrer de la résistance. Mobilisations populaires contre la dévastation du pays par des entreprises minières, mobilisation associative contre l’interdiction du droit à la réduction des risques, entrée en matière de la justice sur le sujet, révélation de la presse sur les scandales magouilleux autour de la COP10 montrent que les excès du pouvoir dépassent la tolérance du peuple panaméen, ceci malgré les mises en scène du pouvoir des élites lors de leurs sommets à répétition.

Cependant sur le sujet du tabagisme, la stratégie consistant à pointer le focus sur le vapotage pour mieux masquer les ventes de cigarettes et leurs méfaits semble, malgré tout, bien fonctionner. Le Panama est la plaque tournante du trafic de cigarettes asiatiques pour inonder les marchés noirs d’Amérique latine. Et tout comme en Europe où le scandale de l’usine de Parscov reste tabou, au Panama, ce trafic est couvert par les gesticulations antivapes des autorités locales, des ONG financées par Michael Bloomberg et de l’OMS.

Quelques ressources :

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