Une grande étude clinique suisse confirme l’efficacité du vapotage pour arrêter de fumer

Les résultats du plus grand essai clinique à ce jour montrent que le vapotage augmente par 1,77 fois les chances de réussir son arrêt tabagique. L’éditorial du New England Journal of Medicine, qui publie aujourd’hui l’étude, y voit un « tournant » pour la reconnaissance du moyen d’arrêter de fumer.

Dans l’espoir d’arrêter de fumer, plus de 1200 personnes en Suisse se sont portées volontaires. Leur participation pourrait avoir des conséquences majeures, si les résultats de l’étude ESTxENDS – Efficacy, Safety, Toxicology of Electronic Nicotine Delivery Systems – marquent un tournant dans la reconnaissance du vapotage comme moyen d’arrêt tabagique ainsi que le revendique l’éditorial du New England Journal of Medicine (NEJM). La célèbre revue scientifique publie aujourd’hui les premiers éléments du plus vaste essai clinique à ce jour sur l’arrêt tabagique avec le vapotage. Résultat saillant, le vapotage augmente significativement, par près de 1,77 fois, les chances de réussir à arrêter de fumer, sans occasionner de problèmes de santé particuliers après six mois. « L’ajout d’e-cigarettes aux conseils standards d’aide au sevrage tabagique a permis d’obtenir une plus grande abstinence tabagique chez les fumeurs que les conseils de sevrage tabagique seuls », conclut sobrement l’équipe menée par le Pr Reto Auer, de l’Université de Berne et Unisanté à Lausanne.

Déclaration : Avec Olivier Théraulaz et Marc Szeemann, je faisais partie des membres d’Helvetic Vape, association de défense des droits des vapoteurs en Suisse, consultés par le Dr Reto Auer et son équipe lors de la conception de l’étude ESTxENDS, notamment sur les questions de matériel et l’importance d’offrir un choix d’arômes et de taux de nicotine aux participants. Je n’ai aucune autre implication dans le travail mené.

29 % des utilisateurs de vape n’ont plus fumé durant au moins six mois

Recrutés et suivis dans cinq villes suisses (Berne, Genève, Lausanne, Saint-Gall et Zurich), les 1246 participants étaient en moyenne âgés de 38 ans, fumaient depuis leurs 16 ans, et pour 47 % étaient des participantes. Répartis par tirage au sort, la moitié d’entre eux ont reçu un appareil de vape rechargeable – un endura T20-S d’Innokin – et des e-liquides de marque Alfaliquid, souscrivant à la norme AFNOR. Ils pouvaient choisir parmi 24 options d’e-liquides, tous avec un ratio 70/30 de PG/VG, en six arômes – tabac FR4 et tabac FRM, menthe fraiche, framboise, fruits rouges, pommes vertes – et aux concentrations de 0, 6, 11 et 19,6 mg/ml de nicotine. L’autre moitié des participants a reçu un bon d’achat de 50 fs. Tous ont eu des conseils pour arrêter de fumer lors de visites et d’appels au fil du suivi.

« Le pourcentage de participants dont l’abstinence tabagique continue a été validée était de 28,9 % dans le groupe d’intervention et 16,3 % dans le groupe de contrôle (risque relatif 1,77 ; intervalle de confiance à 95 % de 1,43 à 2,20). »

Dr R. Auer et al. : Electronic Nicotine-Delivery Systems for Smoking Cessation ; in New England Journal of Medicine, 2024, 390:601-10. DOI: 10.1056/NEJMoa2308815

Les participants assignés au groupe des utilisateurs de vape ont été en proportion 1,77 fois plus nombreux à réussir à ne pas du tout fumer, durant au moins six mois à partir d’une date prédéfinie, par rapport aux participants du groupe contrôle. En taux absolu, 28,9 % des fumeurs aidés du vapotage n’ont plus touché une cigarette pendant ces six mois. Ceux du groupe contrôle, qui étaient libres d’utiliser ou non des substituts nicotiniques ou des médicaments, ont été 16,3 % à réussir ce challenge. L’absence d’anabasine, un des alcaloïdes du tabac, dans les urines ou à défaut une mesure du monoxyde de carbone expiré ont servi à valider les déclarations des participants.

« Les données disponibles permettent désormais de conclure que les e-cigarettes sont des outils que les cliniciens peuvent utiliser pour aider les adultes à arrêter de fumer, en particulier ceux qui ne parviennent pas à arrêter de fumer avec les traitements actuellement validés. Les e-cigarettes ne sont ni totalement inoffensives ni des « balles magiques » qui aideraient tous les fumeurs à arrêter, mais elles peuvent aider et aident effectivement certains d’entre eux à arrêter de fumer. »

Pr Nancy Rigotti : Electronic Cigarettes for Smoking Cessation, Have We Reached a Tipping Point ? ; New England Journal of Medicine, 2024, 390. DOI: 10.1056/NEJMe2314977

Beaucoup plus d’arrêts tabagiques mais moins de « nicotino-abstinence »

Les autres résultats de l’étude avec des critères plus souples indiquent aussi la plus grande efficacité du vapotage pour l’arrêt tabagique. Par exemple, après six mois, près de 60 % du groupe « vapoteurs » n’avait pas fumé depuis au moins une semaine, tandis qu’ils étaient 39 % dans le groupe « contrôle ». Par contre, avec 33,7 % de « nicotino-abstinents » sur une semaine, les participants du groupe témoin étaient en proportion plus nombreux à n’utiliser ni tabac, ni vape, ni substituts nicotiniques que la part de 20,1 % du groupe vapotage. Combien des « nicotino-abstinents » ont repris la cigarette dans les jours qui ont suivi cette semaine ? La publication ne le précise pas, mais les résultats sur l’arrêt tabagique consolidé à six mois en donnent une idée.

« Les systèmes électroniques d’administration de nicotine [NdV. la vape], associés à des conseils standard, peuvent constituer une option viable pour les fumeurs de tabac qui souhaitent arrêter de fumer sans nécessairement s’abstenir de nicotine, mais peuvent être moins appropriés pour ceux qui veulent s’abstenir à la fois du tabac et de la nicotine. »

Dr R. Auer et al. : Electronic Nicotine-Delivery Systems for Smoking Cessation ; in New England Journal of Medicine, 2024, 390:601-10. DOI: 10.1056/NEJMoa2308815

Moins de symptômes de problèmes respiratoires dans le groupe des vapoteurs

Les chercheurs annoncent que le suivi des participants se prolongera sur cinq ans, avec des points de mesures intermédiaires à un an et deux ans. Outre les résultats du futur suivi, cette première publication dans le NEJM ne dévoile pas toutes les données disponibles de l’étude ESTxENDS. Notamment, des analyses toxicologiques et respiratoires poussées feront l’objet de publications ultérieures. Cependant, ce papier dresse déjà un premier bilan des problèmes de santé survenus au fil des premiers six mois de suivi dans les deux groupes.

Les participants du groupe vapotage ont été légèrement moins nombreux (4 %) à souffrir de problèmes graves que les membres du groupe témoin (5 %). Par contre, ils ont déclaré un peu plus de problèmes bénins (43,7 % contre 36,7 %). Concernant la plupart des problèmes typiquement liés au tabagisme ou à l’arrêt tabagique, le groupe vapoteurs montre des proportions moindres de symptômes que le groupe de contrôle. Notamment, le test d’évaluation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) montre un risque significativement moindre pour le groupe vapoteur que le groupe témoin après six mois.

Tristement, un participant, du groupe contrôle, est décédé d’un cancer du poumon durant l’étude. De quoi rappeler crument l’importance et l’enjeu sanitaire de fond de ces recherches, généralement étouffés par le babillage médiatique et les calculs bassement politiciens contre le vapotage.

Le moment de cesser d’empêcher les fumeurs de sortir du tabac ?

Les résultats d’ESTxENDS confirment les études antérieures internationales. Ils sont proches de la moyenne de la métanalyse de l’ensemble des essais cliniques sur le sujet, avec un haut niveau de certitude, calculée par l’institut Cochrane et mise à jour le 8 janvier dernier. Dans l’éclairant éditorial qui accompagne la publication de l’étude dans le NEJM, la Pr Nancy Rigotti, de la Harvard Medical School, estime que les résultats de cette étude, s’ajoutant aux précédentes sur le sujet, marquent un point de bascule au niveau du corpus scientifique sur le vapotage.

Désormais, la grande efficacité du vapotage pour l’arrêt tabagique, sans effet sanitaire majeur à court terme, n’est plus un sujet laissant place au doute au niveau scientifique. Face au fléau sanitaire du tabagisme, l’hostilité au vapotage d’agences de santé et de sociétés savantes médicales n’est plus tenable ni scientifiquement ni éthiquement.

« Les agences de santé publique américaines et les sociétés médicales professionnelles devraient reconsidérer leurs positions prudentes sur les e-cigarettes pour le sevrage tabagique. L’évidence des preuves amène les e-cigarettes à un point de bascule. Le fardeau des maladies liées au tabac est trop lourd pour que des solutions potentielles telles que les e-cigarettes continuent d’être ignorées ».

Pr Nancy Rigotti : Electronic Cigarettes for Smoking Cessation, Have We Reached a Tipping Point ? ; New England Journal of Medicine, 2024, 390. DOI: 10.1056/NEJMe2314977

Une étude dans le contexte Suisse

En 2015, l’association Helvetic Vape défiait la prohibition des e-liquides nicotinés en Suisse, obtenant son abrogation en 2018 par décision du Tribunal administratif Fédéral.

Par rapport aux études précédentes, cette recherche se distingue par un nombre plus élevé de participants et, par rapport à certaines menées hors UE, le respect des contraintes suisses alignées sur les normes de l’UE en matière de limite de concentration de nicotine (à un maximum de 20 Mg/ml) et de taille des fioles de recharge (à un maximum de 10 ml). Les résultats de l’étude sont évidemment à prendre en compte avec ce contexte réglementaire et, plus largement, le climat socioculturel suisse en tête.

À mon sens, les médias suisses dénigrent exagérément le vapotage, protégeant de fait l’industrie cigarettière locale. Ce qui crée un contexte anxiogène et culpabilisant défavorable à l’arrêt tabagique à l’aide de la vape. Par contre, l’habitus helvète est plutôt marqué par un respect des libertés individuelles favorisant ce type de démarche. De leur côté et « malgré » un tabagisme élevé, les autorités suisses se montrent hostiles à l’arrêt tabagique à l’aide de la vape.

Références :

  • Electronic Nicotine-Delivery Systems for Smoking Cessation : Reto Auer, M. D., Anna Schoeni, Ph.D., Jean‑Paul Humair, M.D., M.P.H., Isabelle Jacot‑Sadowski, M.D., Ivan Berlin, M.D., Ph.D., Mirah J. Stuber, M.D., Moa Lina Haller, M.D., Rodrigo Casagrande Tango, M.D., M.P.H., Anja Frei, Ph.D., Alexandra Strassmann, Ph.D., Philip Bruggmann, M.D., Florent Baty, Ph.D., Martin Brutsche, M.D., Ph.D., Kali Tal, Ph.D., Stéphanie Baggio, Ph.D., Julian Jakob, M.D., Nicolas Sambiagio, Ph.D., Nancy B. Hopf, Ph.D., Martin Feller, M.D., Nicolas Rodondi, M.D., and Aurélie Berthet, Ph.D. ; in New England Journal of Medicine, 2024, 390:601-10. DOI: 10.1056/NEJMoa2308815
  • Pr Nancy Rigotti : Electronic Cigarettes for Smoking Cessation, Have We Reached a Tipping Point ? ; New England Journal of Medicine, 2024, 390. DOI: 10.1056/NEJMe2314977
  • Lindson N, Butler AR, McRobbie H, Bullen C, Hajek P, Begh R, Theodoulou A, Notley C, Rigotti NA, Turner T, Livingstone-Banks J, Morris T, Hartmann-Boyce J. Electronic cigarettes for smoking cessation. Cochrane Database of Systematic Reviews 2024, Issue 1. Art. No.: CD010216. DOI: 10.1002/14651858.CD010216.pub8. Accessed 14 February 2024. https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD010216.pub8/full

Illustration de tête à partir d’une photo de Xavier von Erlach sur Unsplash

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