FDA not approved : La critique que Swiss Medical Weekly ne publiera pas – MàJ: ou bien si, finalement…

Mise à jour 1er juillet 2016 : Revirement inattendu, SMW a finalement décidé de publier l’article (en anglais). Je n’ai pas eu d’explication sur ce changement d’avis et je dois avouer ne pas avoir osé en demander… Quoiqu’il en soit, j’espère que cette publication pourra modestement aider à ouvrir un débat plus qu’urgemment nécessaire sur la question du vapotage en Suisse. Je n’ai pas de date de publication, mais la procédure suit son chemin. Les auteurs de l’article initial auront, s’ils le désirent, la possibilité de répondre dans le Swiss Medical Weekly aux critiques présentées. [/ MàJ]

En janvier, la revue Swiss medical Weekly (SMW) publie l’article « Is vaping an effective way of reducing or quitting smoking? » –  Le vapotage est-il une voie efficace pour réduire ou quitter le tabagisme ? -. L’étude dirigée par le Pr Gerhard Gmel, d’Addiction Suisse, utilise les données de l’enquête de cohorte C-SURF sur plus de 5’000 jeunes hommes suisses de 20 ans contactés à l’occasion de leur visite à l’armée. Plusieurs questionnaires leur ont été adressés, mais seul le second en 2013 posait des questions relatives au vapotage. L’article du SMW se présente pourtant comme compte-rendu d’une étude longitudinale. Le Pr Mickael Siegel, de l’Université de Boston, puis l’association Helvetic Vape avaient réagi après sa publication. Sur tweeter, le journal avait alors invité à lui soumettre des lettres critiques. Je l’ai fait.

Promesse engage le naïf qui la croit
En plus du caractère de « simple photo » transversale, non d’un suivi longitudinal de l’étude, mon analyse m’a amené à m’apercevoir que l’article occulte des données pertinentes sur le sujet et pourtant à disposition des chercheurs. Il masque aussi la situation très particulière des jeunes Suisses soumis à la prohibition d’achat de liquides nicotinés à vapoter sur le territoire. Après un premier brouillon, j’ai soumis une version révisée, drastiquement réduite, de lettre critique. L’éditeur en chef Adriano Aguzzi l’a rejeté. Différents motifs invoqués: problèmes de tournures d’anglais, ce qui me parait juste mais facilement corrigeable. Un excès de formules « incendiaires » dont quatre des cinq exemples cités ne sont plus dans la version proposée (a t-il vraiment lu la version remaniée?). Et estimant faible la qualité argumentative sans précision. Je laisse les lecteurs en juger et en discuter s’ils le souhaitent.
Jeudi 5 mai, la Food and Drug Administration (FDA) américaine publiait sa nouvelle réglementation anti-vapotage. Aux pages 241-242 du document, qui en compte 500, la FDA s’appuie sur l’article du SMW (référence 188) pour douter de l’efficacité du vapotage contre le tabagisme: « (…) une étude d’une année sur plus de 5’000 hommes de 20 ans Suisses a révélé que, même après ajustement sur la dépendance à la nicotine, les individus qui étaient fumeurs au début de l’étude et qui ont rapporté utiliser l’e-cigarette à la fin de l’étude étaient plus susceptibles d’être encore fumeur et plus susceptibles d’avoir fait une ou plusieurs tentatives infructueuses de sevrage à la fin de l’année que les personnes qui étaient fumeurs au début et qui n’ont déclaré aucune utilisation d’e-cigarette (Ref. 188). » Outre la longueur de la phrase, ses affirmations sont hautement contestables à la lumière de mon analyse de l’étude concernée. Mais cela restera entre nous. La FDA ou d’autres autorités pourront continuer de se référer à cette « vérité » incontestée.

 Quand la science fédérale étouffe la réduction des risques par le vapotage

Dans le Swiss Medical Weekly (SMW) du 11 janvier 2016, l’article “Is vaping an effective way of reducing or quitting smoking?” (1) présente des erreurs et des biais méthodologiques. Certaines données et le contexte pourtant pertinents sont occultés. Sa conclusion selon laquelle il n’y a pas d’effet bénéfique au vapotage pour l’arrêt ou la réduction tabagique est abusive.
Les données utilisées de l’enquête C-SURF (Cohort Study on Substance Use Risk Factors) sur le vapotage n’ont été recueillies que lors de son second questionnaire (le suivi) de 2013. Aucune question sur le vapotage des participants n’était demandé dans la première partie de cette enquête. Cette étude n’est donc pas longitudinale au sujet du vapotage. Elle ne peut pas prétendre mesurer les évolutions de comportements des répondants sur cette question (Siegel– 2). Au mieux, elle pourrait être une étude transversale sur le vapotage des jeunes hommes en Suisse en 2013, si elle concernait de véritables vapoteurs (Helvetic Vape– 3).
Mais l’article défini le vapoteur comme quelqu’un ayant utilisé au moins une fois une e-cigarette durant l’année avant le questionnaire. Les auteurs de l’article masquent les données sur la fréquence d’usage alors qu’elles ont été collectées dans ce questionnaire. Ce biais produit une confusion entre vapoteurs au quotidien et les simples expérimentateurs (McNeill et al.- 4). Alors que l’étude longitudinale de Biener et al. (5) a montré que les vapoteurs au quotidien, pendant au moins un mois, sont plus susceptibles de se sevrer du tabac. Hichman et al. (6) a trouvé des différences dans la cessation tabagique en lien avec le type et la fréquence de l’usage de vapotage, en faveur des usages au quotidien et d’appareils « tanks » à réservoir (à l’opposé des modèles « cigalikes »).
Extrait du Journal of Epidemiology
Community Health Août 2013
sur l’enquête C-SURF
Les données sur le vapotage de l’enquête C-SURF avaient déjà été publiées en Août 2013 dans le Journal of Epidemiology Community Health (7). Ici, les vapoteurs quotidiens et les personnes n’ayant qu’essayé la vape étaient distinguées. Sur 5081 participants, 249 (4,9%) ont utilisé une e-cig durant l’année. De ceux-ci, 30 jeunes hommes vapotaient quotidiennement, dont 27 fumeurs et 3 ex-fumeurs. Pourquoi ces données ont-elles disparues de la nouvelle publication du SMW ? «Malheureusement, malgré la taille important de l’échantillon, les taux de prévalence de l’étude présente étaient trop petit pour distinguer entre les usages intermittent et intensif», est-il justifié. Pourtant, le fait caché est que 88% du panel sont des fumeurs qui ne vapotaient pas régulièrement. Il semble qu’il aurait été plus judicieux de dire que pour l’extrême majorité des répondants continuer de fumer en ne vapotant qu’occasionnellement n’est pas bénéfique pour la cessation tabagique.
Aucune question n’était posé dans le questionnaire C-SURF à propos de la présence ou non de nicotine dans les liquides utilisés par les répondants. La nicotine est un élément de la dépendance tabagique que les auteurs semblent connaître puisqu’ils citent le test de Fagerström. Même si c’est dans sa veille version de 1991, que le Pr Fagerström a révisé en 2012 (8). Le manque d’information sur le type de liquide de vapotage utilisé déforme la compréhension des résultats. 
Encore plus confondant, il n’y a pas un mot dans l’étude à propos de la prohibition de vente des liquides nicotinés en Suisse. Cette situation très particulière est tout bonnement ignorée par les auteurs. Nous avons déjà estimé, sur la base des statistiques Suisses (9) et Anglaises (10), le déficit de sevrages tabagiques généré par la réglementation fédérale (Vapolitique– 11). Le ratio entre essais et adoptions du vapotage est six fois plus bas en Suisse qu’en Angleterre. Alors qu’un fumeur Anglais sur trois adopte le vapotage après l’avoir essayé, seulement un Suisse sur vingt fait de même. Sur le million de fumeurs Suisses qui ont essayé le vapotage, il pourrait y avoir 100’000 sevrages tabagiques supplémentaire s’ils avaient eu un accès facile et local aux liquides nicotinés.
Les prédicteurs épidémiologiques, tels que le nombre de fumeurs chez les proches, l’état d’esprit sur le tabagisme, les pressions sociales, les effets des entraves légales contre les vapoteurs en Suisse, le statut sanitaire, le statut socio-professionnel, l’usage concomitant d’autres substances psycho-actives, ne sont pas traitées dans l’article. Cependant un biais est en partie pris en compte. Les auteurs notent que le panel n’est constitué « que d’hommes ». Mais aucune conséquence n’en est tirée pour l’analyse. Les gens âgés de plus de 20 ans et les étrangers échappent aussi à l’analyse. Cet énorme biais de sélection aurait du amener au minimum les auteurs à modérer leur affirmation à portée universelle, telle qu’elle est mise en avant.
L’évacuation des bénéfices sanitaires de la réduction de consommation de cigarettes à l’aide du vapotage ne se base que sur une unique référence. Or l’étude en question n’est pas à propos de la réduction du tabagisme par le vapotage, mais sur l’effet compensatoire lorsqu’on fume des cigarettes à taux de nicotine réduit (Strasser et al.– 12). Il n’y a aucune raison pour appliquer ceci a priori aux vapoteurs continuant de fumer. Au contraire, le vapotage avec nicotine inhibe le manque (craving) de tabac selon les retours d’usagers (Etter et al.-13). Aussi la meta-analyse de l’institut Cochrane (14), / edit* : avec un indice faible l’analyse portant sur deux études couvrant plus de 600 personnes /,  montre que le vapotage avec nicotine augmente significativement la réduction (RR=1.31) et le sevrage tabagique (RR=2.29) par rapport au vapotage sans nicotine. Ceci est consistent avec les preuves que les substituts nicotiniques réduisent la prise de tabac fumé (Benowitz et al.- 15). Réduire seulement la consommation de cigarettes est illusoire en terme de bénéfice sanitaire. Mais réduire son exposition tabagique avec des substituts nicoti
niques, tel que le vapotage, permet une réduction des risques et dommages à la santé (Le Houezec– 16).
D’autres recherches sur le sujet ont été ignorées par cet article. Une étude a montré que les asthmatiques réduisant leur tabagisme en utilisant le vapotage améliore significativement leurs atteintes pulmonaires (Polosa et al.– 17). Une autre a montré que la réduction de consommation de tabac fumé, avec des substituts nicotiniques, augmente jusqu’à quatre fois la probabilité d’un futur sevrage complet (Klemperer et al.– 18). Dans une véritable étude longitudinale, à propos de fumeurs qui vapotaient au quotidien au départ, 46% avaient stoppé leur tabagisme dans l’année (Etter et al.– 19).
En conclusion
Jusqu’aux années 1990′, les sevrages à l’héroïne atteignaient un taux similaire à ceux au tabagisme, autour d’une réussite pour dix essais. Le paradigme épidémiologique a changé lorsque les études ont cherché les conditions sous lesquelles les substitutions fonctionnent pour offrir de meilleures voies de sortie aux dépendants (20). Ces études ont établi de bonnes pratiques pour créer un environnement favorable à la réduction des risques dans la rencontre de l’usager et de son moyen de sevrage. Malheureusement en Suisse, la science fédérale officielle reste aveugle à cette approche pour le tabagisme. Le résultat de cette idéologie politique anti-réduction des risques est montré par l’enquête C-SURF: 46,7% des jeunes hommes de 20 ans sont fumeurs pour seulement 0,5% de vapoteurs quotidien (7). Alors qu’il y a déjà plus de six millions d’Européens qui se sont totalement sevrés du tabac à l’aide du vapotage (Farsalinos– 21).

Poirson Philippe

Vapoteur

Sans aucun lien d’intérêt financier avec quelque compagnie de la Pharma, du tabac ni du vapotage. 

Adhérent de l’association Helvetic Vape

Références

1. Gmel,G., S. Baggio, M. Mohler-Kuo, et al., »E-Cigarette Use in Young Swiss Men: Is Vaping an Effective Way of Reducing or Quitting Smoking?, »Swiss Medical Weekly, Jan. 11, 2016;146:w14271. doi: 10.4414/smw.2016.14271.

2. Dr Mickael Siegel “Study that Purports to Show Vaping Causes Smoking Initiation and Impedes Cessation is a Complete Sham” in http://tobaccoanalysis.blogspot.ch/2016/01/study-that-purports-to-show-vaping.html

3. Helvetic Vape “Dénonciation de la campagne d’influence politique contre le vapotage menée sous le couvert de la science”, http://helveticvape.ch/denonciation-de-la-campagne-dinfluence-politique-contre-le-vapotage-menee-sous-le-couvert-de-la-science/

4. McNeill A, Etter J-F, Farsalinos K, Hajek P, le Houezec J, McRobbie H. A critique of a World Health Organization-commissioned report and associated paper on electronic cigarettes. Addiction. 2014;109(12):2128–34.

5. Biener, L. and J.L. Hargraves, A longitudinal study of electronic cigarette use among a population-based sample of adult smokers: association with smoking cessation and motivation to quit. Nicotine Tob Res, 2015. 17(2): p. 127-33

6. Hitchman, S.C., et al., Associations Between E-Cigarette Type, Frequency of Use, and Quitting Smoking: Findings From a Longitudinal Online Panel Survey in Great Britain. Nicotine Tob Res, 2015.


8. Determinants of Tobacco Use and Renaming the FTND to the Fagerström Test for Cigarette Dependence, Karl Fagerström, Nicotine & Tobacco Research (2011), doi:10.1093/ntr/ntr137

9. Monitorage Suisse des addictions 2015  http://www.suchtmonitoring.ch/docs/library/gmel_0xzwmk3ao6hl.pdf

10. Action on Smoking and Health (ASH – UK) Fact sheet May 2015 on Use of vapourisers


12. Strasser AA, Lerman C, Sanborn PM, Pickworth WB, Feldman EA. New lower nicotine cigarettes can produce compensatory smoking and increased carbon monoxide exposure. Drug Alcohol Depend. 2007;86(2–3):294–300.

13. Etter J-F, Bullen C. Electronic cigarette: users profile, utilization, satisfaction and perceived efficacy. Addiction. 2011;106(11):2017–28.

14. McRobbie, H., et al., Electronic cigarettes for smoking cessation and reduction. Cochrane Database Syst Rev, 2014. 12: p. CD010216

15. Benowitz NL, Zevin S, Jacob P 3rd. Suppression of nicotine intake during ad libitum cigarette smoking by high-dose transdermal nicotine. J Pharmacol Exp Ther. 1998;287:958-62.

16. Jacques Le Houezec, audition publique de la Fédération Française d’Addictologie, 8 avril 2016, Paris. http://www.addictologie.org/dist/telecharges/FFA2016-AP-LeHouezec.pdf 

17. Effect of Smoking Abstinence and Reduction in Asthmatic Smokers Switching to Electronic Cigarettes: Evidence for Harm Reversal, Riccardo Polosa, Jaymin Morjaria, Pasquale Caponnetto, Massimo Caruso, Simona Strano, Eliana Battaglia and Cristina Russo, in Int. J. Environ. Res. Public Health 2014, 11(5), 4965-4977;doi:10.3390/ijerph110504965

18. Does the magnitude of reduction in cigarettes per day predict smoking cessation? A qualitative review– Elias M. Klemperer & John R. Hughes – Nicotine Tob Res(2015) doi:10.1093/ntr/ntv058

19. Etter J. F., Bullen C. A longitudinal study of electronic cigarette users. Addict Behav 2014; 39: 491–4
20. In example: The effectiveness of methadone maintenance treatment, John c. Ball, Alan Ross, Springer, 1991

21. Evidence on e-cigarette safety and patterns of use, Konstantinos Farsalinos at E-cig Summit 2015 London about Eurobarometer 429 data. http://www.e-cigarette-summit.com/files/2015/11/1450-Konstantinos-Farsalinos.pdf

* Edit du 30/07/2016 suite à une remarque par mail de David Bareham.

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