Taxes en Italie: 4€ pour 10 ml de liquide de vape contre 0€77 sur un paquet de Glo (BAT) et 1€27 pour l’Iqos (Philip Morris)

Le Premier Ministre Matteo Renzi et le PDG de Philip Morris André Calantzopoulos en 2014
En Italie, la guerre au vapotage est déclarée. Depuis le 1er janvier, la vente à distance de liquides à vapoter, avec ou sans nicotine, est illégale. L’Administration des douanes et du Monopole (AAMS) est déjà partie à la chasse aux sites ne s’y conformant pas. Autre conséquence de cette interdiction, l’introduction en Italie des substances de liquides à vapoter, sauf les arômes, devient de facto contrebande de produit du tabac, avec risques d’amende et peines de prison à la clef. Mais cela ne fait évidemment pas que des malheureux. La répression justifiée par les autorités pour optimiser la perception de la méga taxe anti-vape de 0,397cts par millilitre de liquide avec ou sans nicotine, pourrait bien bénéficier aux producteur de cigarettes chauffées. D’un côté, l’Etat italien assomme les vapoteurs d’une taxe de plus de 4€ par fiole (hors TVA), de l’autre, il fixe un niveau ultra-light d’accise à 77cts par paquet de 20 cigarettes spéciales pour l’appareil Glo de British American Tobacco (BAT) et à 1€27 sur le paquet de 20 cigarettes pour l’Iqos de Philip Morris.

Au détriment des usagers et de la santé publique

La violente taxe anti-vape va forcément se faire ressentir sur les prix des liquides. D’autant plus que le réseau de distribution, outre l’interdiction de vente à distance, sera limité aux points de vente autorisés par le Monopole à partir de fin mars. La combinaison du coup de massue taxatif et de la forte réduction de la concurrence des lieux de distribution devrait faire exploser les prix. Ou le marché noir. Dans un cas comme dans l’autre, l’accès aux produits pour les fumeurs voulant essayer le vapotage risque d’être fortement inhibé et compliqué. En obstruant une voie massive de sortie au tabagisme, l’Etat italien joue un sale coup à la santé publique. Un enjeu « passé sous silence de manière intolérable » déplore la Ligue Italienne Anti-Fumée (LIAF).
A l’opposé de ce tabassage de la vape, les taxes d’accise ultra-lights sur les cigarettes chauffées n’auront pas d’effet pour le porte-monnaie de leurs consommateurs. Les Big Tobacco se sont entendus pour fixer à 5€ le paquet de cigarettes à chauffer, prix similaire aux cigarettes combustibles en Italie. Cette stratégie commerciale d’un alignement des prix sur ceux des cigarettes est suivie partout par les Big Tobacco. En Suisse aussi où par exemple le paquet de cigarettes de l’Iqos est vendu 8 Fs, prix voisin des cigarettes. Alors que l’accise perçue par l’Etat fédéral est proportionnellement quatre fois moins importante que pour les cigarettes à brûler. Autrement dit, les firmes cigarettières accroissent considérablement leur marge bénéficiaire sur ces produits.

Planifier par Philip Morris depuis 2014

Une bonne affaire sur laquelle Philip Morris travaille de longue date. Un document lors du dernier leak des Philip Morris papers par Reuters confirme ce que l’on soupçonnait. Les décisions italiennes suivent les grandes lignes de la stratégie pensée en 2014 par les têtes stratégiques du cigarettier vaudois. Quatre points notamment peuvent être ressortis du document interne de 2014 « Reduced Risk Products Briefing » de Philip Morris mis en ligne par Reuters le 18 décembre dernier. Tout d’abord, Philip Morris rejette les produits de vapotage rechargeables, car ils ne permettent ni de rendre captifs les consommateurs, ni d’établir des marges bénéficiaires suffisamment importantes aux yeux de la firme vaudoise.
En second lieu, la multinationale veut protéger ses réseaux de vente, à l’image des buralistes italiens. « Les e-cigarettes devraient être vendues où les produits de tabac sont en vente », stipule le document en page 88. Concernant l’Iqos, nommé dans le document du code P1, le premier objectif de Philip Morris est de convaincre q
ue « ce n’est pas une cigarette ». Et ainsi obtenir des règles de taxation les plus favorables aux produits du « portfolio PMI », tel que le précise le document confidentiel interne sur « Les objectifs et la stratégie à 10 ans » du cigarettier, également mis en partage par Reuters.

« Règles requises obtenues en Italie »

Le slide 93 (p. 97) du « Briefing sur les produits à risques réduits » se réjouit explicitement du succès du cigarettier pour l’Iqos (alias P1): « Règles requises obtenues en Italie ». La création de deux usines Iqos en Italie ont probablement motivé le Premier Ministre Matteo Renzi. Le 23 décembre 2014 était publié au journal officiel le décret de taxe du vapotage et des cigarettes chauffées. « Le cadeau de Noël de Matteo Renzi à Philip Morris », commentait alors la Notizia. Ce décret introduit une équivalence entre 1 ml de liquide de vapotage pour 10 cigarettes. Comment les autorités italiennes ont aboutit à cette absurdité insondable reste une énigme de la raison. Depuis trois ans, les protestations, les recours juridiques et quelques initiatives politiques n’ont pas infléchi fondamentalement la donne.

Qu’en sera t-il dans les mois qui viennent ?

Suite à la publication de la nouvelle loi fiscale au journal officiel, l’étau se ressert sur la vape italienne. La vente à distance, y compris par internet, de liquides à vapoter avec ou sans nicotine à destination d’un résident en Italie est illégale depuis le 1er janvier. Une première liste de sites déclarés hors-la-loi, pour avoir proposé à la vente des liquides avec nicotine, a déjà été publiée par l’AAMS. Au-delà des sites commerciaux, cette interdiction implique qu’introduire des liquides à vapoter en Italie devient de la contrebande de produits de tabac. « À l’exception des arômes, toutes les autres substances utilisées dans les liquides de vapotage sont incluses: liquides mélangés avec ou sans nicotine, glycérine et glycol, à la fois purs et mélangés, à la fois neutres et aromatisés« , explique Stefano Caliciuri du site spécialisé SigMagazine

L’invention du délit de trafic de VG

Ces produits servant dans de nombreuses autres utilisations – de l’eau dentaire au pain de mie, en passant par les machines à brouillard en boîtes de nuit, etc. -, la manière dont cela pourra être appliqué reste assez énigmatique. Au cas où les douanes saisiraient ces substances en contrebande, l’étrange équivalence stipulée par les autorités italiennes, selon ce ratio 1/10, serait sensée être prise en compte. En suivant cette équivalence italienne entre vape et tabac, Stefano Caliciuri estime que l’introduction de moins de 20 ml de liquide en Italie devrait rester libre. Au dessus de 20 ml, il s’agirait de contrebande et de manière aggravée lorsque le volume dépasserait un litre. La contrebande simple de produit du tabac est susceptible d’une amende de 5’000 à 50’000 € ainsi que les paiements de frais de douanes, qui peuvent s’avérer très salés. En cas de contrebande aggravée, l’infraction est passible de deux à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende qui pourrait atteindre 10’000 € par litre selon l’évaluation de SigMagazine.

Recours à la justice et initiatives politiques pour 2018

On le comprend, vapoter en Italie va devenir un sacerdoce. A fortiori, tenter d’arrêter de fumer à l’aide du vapotage va relever de l’activité de résistant. Ce n’est pas sans rappeler la situation Suisse. En Italie aussi, des recours en justice s’annoncent. « L’absence d’une révision à la baisse de la fiscalité et l’assujettissement au monopole du réseau de vente pourraient ouvrir une série de litiges et d’appels qui pourraient avoir des conséquences temporelles de quelques années », explique Stefano Caliciuri dans un autre article pour SigMagazine. « Les aspects qui peuvent actuellement faire l’objet d’un recours judiciaire sont nombreux: de la taxation de la glycérine aromatisée à l’autorisation de distribution par le Monopole ; de l’élimination des boutiques en ligne, aux évaluations fiscales dans une situation de négligence législative », précise le spécialiste italien.
En attendant, les décisions de justice, au rythme toujours lent, le monde du vapotage italien risque d’être sérieusement affecté sur toute sa chaîne, des producteurs jusqu’aux usagers, en passant par les boutiques. Des soutiens politiques à la réduction des méfaits à l’aide du vapotage annoncent vouloir encore tenter de faire évoluer le Gouvernement. « En janvier, je demanderai à rencontrer tous les opérateurs du secteur [de la vape] pour trouver une entente commune et une stratégie partagée. À ce moment-là, nous irons au Ministère des Finances (MEF) pour mettre une proposition sur la table. Nous devons le faire très rapidement », explique Sergio Boccadutri, député du Parti Démocratique dans un interview à SigMagazine. Mais l’élu préfère ne pas faire de promesse de résultats ni d’échéances. « Je ne fais jamais de prédictions, il faut tout d’abord se mettre d’accord sur une stratégie ».

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