Monitorage Suisse: le tabagisme des 15-25 ans augmente, avec 38% des jeunes romands fumeurs tandis que le vapotage reste anecdotique

En Romandie, 38,1% des jeunes de 15 à 25 ans sont fumeurs, selon le rapport du monitorage suisse des addictions consacré à cette question publié en janvier. A l’échelle nationale, la prévalence tabagique de cette tranche d’âge aurait augmenté, passant de 29,6% à 31,6% entre 2011 et 2016. En moyenne, les plus de 3’000 jeunes questionnés par téléphone déclarent fumer 13,3 cigarettes par jour. Comme tout sondage, cette enquête comporte les biais liés à ce type d’approche, ces chiffres sont justes des chiffres, pas forcément des chiffres justes. Bien que la moitié des jeunes fumeurs déclarent lors de l’enquête souhaiter arrêter de fumer, le vapotage n’a pas pu contrer la progression du tabagisme des jeunes suisses. Les moins de 25 ans sont nombreux à expérimenter le vapotage, mais « toutefois, peu d’entre eux l’utilisent régulièrement », explique la fondation Addiction Suisse, mandatée par la confédération pour ce monitorage. 

Plus de 32% des 15-24 ans ont essayé le vapotage au moins une fois dans leur vie, mais aucun jeune de 15-19 ans et seuls 0,2% des 20-24 ans déclarent en faire usage au quotidien. Le rapport spécial sur le vapotage du monitorage, daté d’août dernier, montre que dans l’ensemble un peu plus de 2% des jeunes  vapotent occasionnellement. Rappelons qu’en Suisse, la vente de liquide avec nicotine est interdite (même aux majeurs). La progression du tabagisme des jeunes suisses se démarque nettement de la chute constatée dans les pays respectant le droit humain à l’accès aux moyens de réduction des méfaits. 

Jeunes fumeurs en hausse en Suisse, en chute au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les statistiques montrent que dans la période 2010 à 2016, le tabagisme des 18-24 ans a chuté de 7 points, passant de 26% à 19%. Un quart de fumeurs britanniques de cette tranche d’âge en moins. La même tendance se dessine aux Etats-Unis où le tabagisme adolescent atteint le niveau historiquement le plus bas jamais enregistré. De 15,8% en 2011, le tabagisme a chuté à 9,3% chez les 17-18 ans américains en 2016. Lorsqu’en Suisse, le tabagisme des 15-24 ans a progressé de 2 points, de 29,6% à 31,6% entre 2011 et 2016. Les auteurs du rapport supposent qu’un décalage s’opère ces dernières années repoussant l’âge d’entrée dans le tabagisme. En regardant les données, les indicateurs paraissent assez fluctuants d’une année sur l’autre et cette hypothèse me semble demander confirmation.

Augmentation de l’usage du tabac à rouler

A défaut d’utiliser le vapotage pour éviter le tabagisme, les jeunes suisses se tournent de plus en plus vers le tabac à rouler. La part de fumeurs quotidiens utilisant exclusivement du tabac à rouler a atteint 13% en 2016, contre 7,8% en 2012. A leurs côtés, 23,2% d’usagers combinent tabac à rouler et cigarettes. La pression économique, même si le prix des cigarettes n’a pas augmenté récemment, est probablement une raison de cet usage du tabac à rouler bien moins onéreux.

En creux se dessine aussi l’effet pervers du contenu des campagnes de prévention actuelles chez les adolescents. Ces dernières années, elles se sont axées essentiellement à répandre la peur et faire l’amalgame du vapotage au tabagisme, dans une négation de toute approche de réduction des risques. Sans surprise, ce travail de brouillage d’information sur les risques relatifs provoque une promotion indirecte des produits les plus nocifs  et accompagne les jeunes vers le tabac à rouler plutôt que le vapotage. La Ligue Pulmonaire suisse avait fait un communiqué de triomphe indécent de cynisme à l’annonce de la bonne tenue du tabagisme face au vapotage à l’été 2016, moment de cette enquête. Les chiffres sur cette génération de jeunes confirment les perspectives réjouissantes pour les ventes de médicaments de ses sponsors.

Dans les autres produits de tabac à fumer, les cigares, cigarillos et pipe sont d’utilisation très marginale chez les jeunes suisses. Concernant les produits de nicotine non fumés, 7,4% des jeunes de 15 à 25 ans déclarent en avoir utilisé, dont le tabac à priser au moins essayé par 5,4% d’entre eux. L’usage du s
nus – bien que sa version suédoise à nitrosamines réduites bien moins dangereuse soit encore interdite de vente en Suisse – a été essayé par 2,3% des jeunes, la chique par 0,4% et les gommes nicotinées par 0,1%.

Des jeunes objets ou sujets ?

Les jeunes ont du répondre à des questions d’ordre disciplinaire et comportementaux, sur la tolérance ou non de fumer au domicile ou au travail, sur le tabagisme des proches et des amis, etc. Les auteurs soulignent que 38% disent avoir reçu au moins un cadeau promotionnel en rapport avec le tabac. En détail, pour 83,1% d’entre eux ce sont des briquets ou des allumettes et 28,7% des cigarettes.
Hormis ces questions de comportements, aucune indication sociologique, y compris de statut de classe sociale, n’est présentée dans le rapport sur le tabagisme des 15-25 ans. Le profil social des jeunes fumeurs reste un mystère. Etant donné l’énorme fossé entre groupes sociaux défavorisés et ceux détenteurs de capitaux sociaux, culturels et financiers sur la question du tabagisme, cette lacune rend le rapport peu utile pour éclairer une politique de santé publique sur le sujet. A fortiori dans un pays pratiquant une sélection stricte tôt dans la formation entre futurs ouvriers, employés et cadres.
Par ailleurs, l’absence de thématisation d’appréciation subjective de qualité de vie, de sentiment de réalisation, pourtant à un âge critique sur les orientations, est un autre manque troublant. Alors qu’une enquête du Health Behavior in School-aged Children (HBSC), publiée d’ailleurs par Addiction Suisse en avril 2017, montre une corrélation entre stress scolaire et tabagisme chez les moins de 15 ans suisses. Le rapport sur les 15-24 ans esquisse des jeunes simples objets répondant aux stimuli réglementaires et publicitaires, ce point correspondant au soucis politique actuel d’Addiction Suisse engagé pour l’interdiction de la publicité des produits du tabac.

Politique d’autruches irresponsables

La question de la construction d’une culture de réduction des méfaits reste le grand tabou refoulé des organisations bureaucratiques du domaine en Suisse. Abandonnant de facto les jeunes à eux-mêmes derrière l’excuse de l’interdit, posture d’autruche irresponsable élevée au rang de dogme de politique de santé. Aux acteurs de terrain de prendre en charge, dix ou vingt ans plus tard les victimes de cet enfumage au monoxyde de carbone.

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