En Norvège, le snus a engendré la première génération sans fumée

En vingt ans, le nombre de jeunes fumeurs en Norvège s’est écroulé. De plus de 30 % en 2000, la proportion de fumeurs de 16 à 29 ans a chuté à 2 % en 2020. En comparaison, la moyenne des pays de l’Union Européenne (UE) est près de dix fois plus élevée. Dans la population générale de plus de 15 ans, il reste 9 % de fumeurs en Norvège, contre près de trois fois plus en moyenne dans l’UE, où le snus est interdit de vente sauf en Suède. 

« Cependant, les Norvégiens n’ont pas arrêté de consommer du tabac, ils ont arrêté de le fumer », explique le Pr Karl Éric Lund, chercheur à l’Institut de santé publique de Norvège (NIPH), lors de sa présentation à l’Ecig Summit 2021*. La consommation de snus a grimpé en miroir de la chute du tabagisme [NdV. au sens de fumer du tabac]. 

Le grand remplacement de la cigarette par le snus

Cet effet de vases communicants entre cigarettes et snus, au profit du tabac oral pasteurisé d’origine suédoise, s’est déclenché au début des années 2000. Durant la seconde moitié du 20e siècle, la consommation de tabac en Norvège était très majoritairement fumée en cigarettes, tabac à rouler ou à la pipe. Ces deux dernières décennies, le snus a fait son « comeback ». 

En 1999, les cigarettes et le tabac à rouler représentaient 93 % du marché norvégien, contre seulement 7 % de snus, pour une moyenne de 2 kg de tabac consommé par an par habitant. En 2019, la consommation par habitant a été divisée de moitié à 1 kg par an et le snus représente 46 % du marché. Grosso modo, le poids par habitant de tabac à fumer a été divisé par presque quatre, tandis que le snus a presque triplé en vingt ans.

Snus et vape, les passerelles pour arrêter de fumer

Le vapotage, dont les e-liquides avec nicotine sont interdits de vente en Norvège, reste plutôt confidentiel. En dépit de cette interdiction, près d’un arrêt tabagique réussi sur six est réalisé avec la vape. Cependant, le plus utilisé pour arrêter de fumer est largement le snus avec plus d’un tiers des arrêts réussis.

Quel avenir pour les produits à risque réduit dans un pays sans fumée ?

Dans le contexte d’une première génération quasiment sans fumeur chez les moins de 30 ans, un débat émerge en Norvège. Les produits nicotinés à risque réduit ont-ils encore une place dans un pays à l’ère post-tabagisme ? Le Pr Karl Lund énumère les arguments pros, anti et ceux d’une approche conditionnelle concernant les produits nicotinés à risque réduit. 

En faveur de leur maintien, un rôle de pare-feu contre un retour des cigarettes, le gain de santé lié au plaisir de leur consommation, l’absence de risque d’effet passerelle après la disparition des cigarettes sont avancés. Dans une optique « libérale », la consommation de nicotine comme substance récréative n’est pas une question de santé, mais un sujet de débat de société ou moral.

En défaveur, les partisans d’un monde sans nicotine estiment que la dépendance, même sans méfait de santé, est un mal en soi. Un faux plaisir pervers dont il faut protéger les enfants et les générations futures. Un faible risque est déjà un risque, au nom du principe de précaution, il faut interdire.

Une approche conditionnée à la balance bénéfice-risque 

Sorte de voie intermédiaire, l’approche conditionnelle propose une évaluation de la balance entre bénéfice et risque des produits à risque réduit. Les tolérer tant qu’ils bénéficient à la santé publique en réduisant le tabagisme, et les réprimer une fois passé ce point de bascule. Le ratio entre fumeurs sortant du tabagisme grâce aux produits nicotinés à risque réduit et non-fumeurs entrant en consommation de ceux-ci déterminerait ce cap. 

Dans ce schéma de pensée, l’équilibre des risques dépend de l’évaluation de la réduction des risques individuels de sa consommation. « Si le snus atteint 5 % du risque du tabagisme, alors il faudrait qu’environ vingt fois plus de personnes n’ayant jamais fumé commencent d’utiliser le snus pour contre-balancer le gain de santé publique de chaque fumeur qui passe complètement au snus », rappelle le Pr Karl Lund, qui a développé l’évaluation dans la revue Nordic Studies on Alcohol and Drugs (NAD) en juin dernier.

Une grande marge avant que la réduction des risques ne devienne risquée

Actuellement, les consommateurs de snus de moins de 30 ans en Norvège sont environ pour 60 % des ex-fumeurs et pour 40 % des personnes n’ayant jamais fumé. Un ratio très éloigné du rapport de 5 % d’ex-fumeurs pour 95 % de jamais fumeurs au-delà duquel la balance basculerait du côté négatif.

Vue d’Europe de l’Ouest, le débat de santé publique norvégien sur l’avenir du snus dans un environnement post-tabagisme peut sembler le rêve d’un autre monde. Il y a à peine quelques mois en France, les organisations « anti-tabac » menaient une campagne médiatique délirante contre le snus, ne semblant pas conscientes que leur jeunesse fume en masse.

Credit illustrations screenshot des slides de Pr KE Lund à l’Ecig Summit 2021

* Généralement, les slides et vidéos des présentations à l’Ecig Summit sont partagés en accès libre quelques semaines après l’évènement sur leur site

Lund KE, Vedøy TF : A conceptual framework for assessing the public health effects from snus and novel non-combustible nicotine products. Nordic Studies on Alcohol and Drugs. 2021;38(6):586-604. doi:10.1177/14550725211021248 

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