Le Ministère de la santé britannique va distribuer un million de vapes pour accélérer la fin du tabagisme

 

En dix ans, le tabagisme a chuté d'un tiers en Angleterre


« Nous allons offrir à un million de fumeurs une nouvelle aide pour arrêter de fumer »
. L’annonce du nouveau programme anglais de lutte contre le tabagisme se faisait attendre, mais il frappe fort. Invité au Policy Exchange ce 11 avril, Neil O’Brien, ministre de la Santé britannique, a annoncé la distribution d’un million de kits de vapotage, accompagné de conseils, à des fumeurs sur les deux prochaines années. « Nous travaillerons avec les services de conseils et d’aide pour offrir à un million de fumeurs à travers l’Angleterre un kit de démarrage de vapotage gratuit », explique le ministre. Un choix de produits, d’intensités et de saveurs sera proposé pour permettre aux fumeurs de trouver le produit qui leur convient.

Swap to Stop

L’opération nommée Swap to Stop, « échange pour arrêter », est une première mondiale à l’échelle d’un pays. Elle va bénéficier à près d’un fumeur sur cinq en Angleterre où le tabagisme a déjà chuté à 13 % de la population. « On estime déjà que le vapotage contribue à environ 50 000 à 70 000 arrêts tabagiques supplémentaires par an en Angleterre », souligne Neil O’Brien. Le gouvernement vise à passer d’ici 2030 sous la barre des 5 % de fumeurs, niveau considéré par l’OMS comme un taux résiduel. 

« Le plus grand programme pilote « Swap to Stop » au Royaume-Uni s’est déroulé à Salford en 2018. Cela a été un énorme succès. Plus de 60 % des participants ne fumaient plus après quatre semaines », rappelle un communiqué de l’Independent British Vape Trade Association (IBVTA), dont des membres avaient participé à l’opération.

Les autorités devisent le coût des mesures à près de 50 millions € (45 millions £) sur deux ans. Une dépense que le gouvernement compte amortir par une baisse de la pression sur les services de santé (NHS). « Pour ceux qui arrêtent de fumer, le risque de crise cardiaque est réduit de moitié après un an d’arrêt, ce qui réduit de moitié la probabilité de se retrouver dans un lit d’hôpital ou pire », donne en exemple le communiqué du Ministère de la Santé. Au Policy Exchange, Neil O’Brien s’est même aventuré à tracer un douteux lien de causalité à partir de la corrélation entre chômage et tabagisme, qui n’était pas le point le plus heureux de son allocution (vidéo en fin d’article). 

Des inserts dans les paquets de cigarettes

En plus de l’opération Swap to Stop, le plan prévoit également l’obligation pour les cigarettiers d’introduire dans les paquets de cigarettes des inserts d’information sur la réduction des risques et les moyens d’arrêter de fumer. Confié à un groupe de chercheurs de l’Université de Stirling, les détails de ce projet ne sont pas encore établis. 

C’est une idée « que nous défendons depuis longtemps. Il n’y a pas de façon mieux ciblée d’atteindre les fumeurs qu’en leur donnant des informations avec les produits qu’ils achètent », commente la New Nicotine Alliance (NNA-UK), association en faveur de la réduction des risques.

Trois millions de £ pour lutter contre les ventes illicites de vape aux ados

Si le ministre veut distribuer des kits de vape aux fumeurs adultes, il veut par contre empêcher leur usage par les adolescents. « Nous devons faire deux choses : d’une part, empêcher les enfants de vapoter et, d’autre part, exploiter l’énorme potentiel du vapotage pour aider les fumeurs adultes à arrêter », explique le ministre. 

Selon le suivi organisé par l’ASH-UK, la proportion d’adolescents qui vapotent au moins une fois par semaine est passée de 1,3 % en 2021 à 3,1 % en 2022, tandis que les utilisateurs occasionnels sont passés de 2 % à 3,9 %. Cependant, l’usage reste faible chez les adolescents n’ayant jamais fumé, avec 0,5 % d’usagers hebdomadaires et 0,9 % d’utilisateurs occasionnels, précise l’organisation antitabac. 

Pour prévenir le vapotage adolescent, le ministre a annoncé un budget de trois millions £ pour financer une équipe spéciale de lutte contre la vente illicite de vape aux mineurs. Le programme présenté prévoit de renforcer l’application des lois existantes en coordonnant l’action au niveau régional et local. 

« C’est une réponse sensée et proportionnée. Cela résout un problème qui empêchait des activités telles que les achats tests pour éliminer les vendeurs irresponsables », estime la NNA-UK. L’action de terrain permettra aussi d’informer les détaillants sur les réglementations et les manières d’éviter les produits de contrebande.

Consultation publique sur la prévention du vapotage adolescent

Neil O’Brien a également ouvert huit semaines de consultation publique sur la prévention du vapotage des adolescents. Ceci laisse la porte entrouverte à des mesures plus restrictives. Malgré les pressions du multimilliardaire Michael Bloomberg, qui s’est rendu à Londres le 15 mars en compagnie de son employé José Luis Castro, directeur de Vital Strategies, il paraît très improbable que les Anglais suivent le catastrophique exemple américain d’interdiction des arômes de vape. Ce qui avait déclenché en réaction l’explosion de ventes de jetables, dites puffs, aux Etats-Unis. 

Par contre, des propositions pour interdire les jetables, en raison notamment de leur impact environnemental, ou l’imposition d’emballages « neutres » circulent. UKVIA, l’organisation (non-indépendante) de l’industrie du vapotage, propose pour sa part de durcir les sanctions contre les vendeurs indélicats. 

Des incitations financières pour les femmes enceintes

Plus concrètement, une autre mesure annoncée par le ministre pour réduire le tabagisme va spécifiquement cibler les femmes enceintes. Des incitations financières pouvant aller jusqu’à 400 £ (450 €) vont leur être proposées pour arrêter de fumer. En Angleterre, 9 % des femmes fument pendant la grossesse. Selon le ministère de la Santé, des essais locaux ont indiqué que des incitations financières associées à un soutien comportemental peuvent aider de manière efficace les femmes enceintes. 

La Pr Linda Bauld, de l’Université d’Edimbourg, retrace sur un intéressant fil twitter le parcours débuté en 2003 sur cette problématique qui concerne tout particulièrement les femmes des zones défavorisées. « Les incitations pendant la grossesse sauveront la vie de bébés et allégeront le poids financier des familles dans certaines des régions les plus défavorisées du pays », s’enthousiasme la Dre Clea Harmer, coprésidente du Smoking in Pregnancy Challenge Group.

Des aides plutôt que de nouvelles interdictions

« Les vaporettes augmentent les chances des fumeurs de réussir à arrêter, tout comme les bons pour les femmes enceintes, ce sont donc des pas bienvenus dans la bonne direction, mais ils sont loin d’être suffisants », estime Deborah Arnott, directrice d’Action on Smoking and Health (ASH-UK). Elle regrette le manque de budget pour des campagnes médiatiques et elle espérait notamment une hausse de l’âge minimum légal pour acheter du tabac. 

Publié l’an passé, le rapport du Dr Javed Khan proposait dans ce sens d’augmenter chaque année l’âge minimum d’un an, « jusqu’à ce que plus personne ne puisse acheter un produit de tabac dans ce pays ». Le ministre a rejeté cette idée. Les politiques vont se concentrer sur les manières « d’aider les gens à arrêter de fumer plutôt que d’imposer de nouvelles interdictions », a tranché Neil O’Brien. Il a par contre suivi les recommandations du rapport Khan concernant le vapotage et la mise à disposition d’aides aux fumeurs.

Assurer la disponibilité en varénicline et cytisine

En ce sens, le ministre annonce vouloir assurer l’approvisionnement en Angleterre des médicaments pour l’arrêt tabagique. D’une part, la varénicline, dont Pfizer a bloqué la distribution sous sa marque Champix, mais aussi la cytisine. « Certains des traitements les plus efficaces ne sont actuellement pas disponibles en Angleterre. (…) Par exemple, assurer la disponibilité de médicaments de sevrage tabagique éprouvés tels que la varénicline et la cytisine », précise le ministre. Je suppose que le gouvernement anglais compte se tourner vers des producteurs de génériques concernant la varénicline.

« Plus de la moitié de tous les fumeurs en Angleterre, soit trois millions de personnes, veulent arrêter de fumer. Un million de ces personnes veulent arrêter de fumer dans les trois prochains mois. Mais le tabagisme crée une forte dépendance. Nous savons que 95 % des tentatives d’arrêt non soutenues rechutent dans l’année », souligne le ministre. « Nous allons donc faire davantage pour aider ces gens à cesser de fumer ».

En résumé, les mesures annoncées par le ministre :

  • Swap to Stop : une opération pour distribuer des kits de vape et offrir un accompagnement à un million de fumeurs pour qu’ils arrêtent la cigarette, en ciblant les zones défavorisées ;
  • des inserts obligatoires dans les paquets de cigarettes pour informer les fumeurs sur l’arrêt tabagique ;
  • trois millions £ pour lutter contre la vente illicite de produits de vape, en particulier aux adolescents, avec une coordination avec les instances locales pour faire appliquer la réglementation ;
  • une consultation publique de 8 semaines sur la prévention du vapotage des adolescents ;
  • un durcissement des sanctions contre les vendeurs de tabac illicite ;
  • un programme d’incitations financières pour soutenir l’arrêt tabagique des femmes enceintes ;
  • la légalisation de la cytisine et le réapprovisionnement en varénicline, deux produits pharmaceutiques d’aide à l’arrêt tabagique.

La vidéo de l’intervention du ministre Neil O’Brien à Police Exchange ce 11 avril 

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