Debunk du sondage de l’Alliance contre le tabac sur les puffs et les adolescents

Les petites arnaques de l'Alliance Contre le Tabac dans sa présentation du sondage sur les ados et les puffs

Publié en octobre 2022, un sondage BVA sur les usages de certains produits nicotinés ou non d’adolescents français, commandé par l’Alliance contre le Tabac, est systématiquement cité par les médias français à propos des puffs. « Les puffs sont donc une “porte d’entrée” de choix vers la cigarette pour les adolescents, comme l’a signalé fin 2022 l’Alliance contre le tabac », déclare par exemple Libération. Après recherche je n’ai trouvé aucune analyse sérieuse de ce sondage, malgré sa couverture par des dizaines de journaux, télévision ou radio. Les résultats ne sont présentés que sous forme de pourcentages sans donner aucun élément du sondage : la taille du panel, les conditions, etc. Sans la citer explicitement, François Braun, le ministre de la Santé, semble valider son message, sur France Inter le 3 mai, et justifier une proche interdiction des puffs.

Ce sondage est d’ailleurs l’argument principal d’une tribune de vingt « personnalités » dans le Monde le 1er mai pour demander l’interdiction des puffs. Ainsi que d’une prise de position de l’Académie de Médecine en février dernier. Un tel rôle aurait dû amener les journalistes, les académiciens, les signataires de la tribune au Monde, voire même le ministre à vérifier sa qualité. Je ne crois pas que cela a été fait. Ou alors leur exigence est excessivement basse. 

Voilà quelques éléments que j’ai relevés en lisant en détail les résultats. J’ai publié précédemment ce texte un peu noyé au sein de l’article consacré à la tribune antipuffs du Monde. Je le republie ici, en l’adaptant et avec quelques précisions, pour en faciliter la lecture.

Plus des deux tiers des ados utilisateurs de puffs étaient fumeurs auparavant

Un faible panel de 400 jeunes

Lors de sa publication en octobre par l’ACT, le nombre de jeunes sondés n’a jamais été précisé. Pour le découvrir, il faut aller directement lire les résultats du sondage fourni par BVA à l’ACT. BVA a sondé l’opinion de 400 jeunes [lien alternatif en cas d’effacement] de 13 à 16 ans, dont 29 % de lycéens. L’ACT a passé sous silence ce nombre et plusieurs autres éléments dans sa communication sur le sondage [lien alternatif en cas d’effacement]. C’est un échantillon excessivement faible, a fortiori pour communiquer sur des sous-groupes comme l’a fait sans honte l’ACT. Arriver à des chiffres bruts aussi petits interdit, si on est honnête, d’en faire des pourcentages et d’en tirer des conclusions pour l’ensemble de la population.

Dans le sondage de l’ACT, il y a 5 % d’utilisateurs occasionnels de puff

Parmi les 400 jeunes sondés, vingt jeunes (5 %) déclarent utiliser une puff « de temps en temps ». Mais l’ACT ne communique pas ce chiffre. L’organisation antivape y ajoute les huit jeunes (2 %) qui disent ne plus l’utiliser et les vingt-quatre (6 %) qui déclarent l’avoir juste essayé « une fois ou deux ». L’ACT déclare uniquement que « 13 % d’entre eux ont déjà utilisé la Puff ». Il est affolant déontologiquement qu’aucun journaliste n’ait vérifié ce point depuis octobre. À noter, aucun jeune ne déclare l’utiliser régulièrement ni fréquemment.

Bizarrement, le sondage BVA pour l’ACT ne présente aucune donnée sur l’usage ou non de nicotine par les sondés déclarant utiliser occasionnellement ou avoir essayé une puff. Pourtant le communiqué de l’ACT prétend que la puff aurait été une « initiation à la nicotine » pour une partie des jeunes (« 28 % » assène  le communiqué !). En l’absence de donnée sur l’usage avec ou sans nicotine, rien ne permet cette affirmation.

Combien ont arrêté de fumer après avoir essayé la puff ?

L’ACT insiste, dans sa communication, sur les 17 % de jeunes ayant essayé la puff puis essayé de fumer, comme une sorte de preuve de l’effet passerelle. Ce sont 17 % de 13 % des 400 jeunes sondés. Derrière les pourcentages présentés, le chiffre brut concerne huit jeunes ayant déclaré avoir essayé la puff puis essayé de fumer. Un nombre si faible qu’il ne serait jamais publié sous forme de pourcentage dans une publication sérieuse. À la lecture du sondage, on ne sait pas combien de ces huit jeunes ont été au-delà de l’essai de la cigarette.

D’autre part, une autre donnée est passée sous silence par l’ACT : 35 jeunes sondés déclarent avoir fumé puis avoir essayé la puff. Combien parmi eux ont arrêté de fumer après avoir essayé la puff ? Cette donnée n’est pas non plus publiée dans le compte-rendu du sondage. 

Pourtant, il y a nettement plus de jeunes fumeurs (35) ayant ensuite essayé la puff, que l’inverse (8). L’ACT met en avant le point qui présente une possible entrée en tabagisme, mais masque celui qui pourrait indiquer une sortie du tabagisme à l’aide de la puff. Dans un cas comme dans l’autre, les données sont trop faibles et pas assez détaillées pour constituer des preuves. Une communication honnête aurait cependant présenté les deux
éléments.

Le tabac caché par l’Alliance contre le tabac

« La cigarette reste globalement le premier produit du tabac consommé », précise tout de même BVA. Évidemment cela n’a pas non plus été repris par la communication de l’ACT.  BVA a aussi l’honnêteté de signaler dans son compte-rendu que le tabagisme parental a une forte incidence sur les résultats. Les taux d’expérimentation des divers produits est multiplié grosso modo par plus de 1,5 avec un parent fumeur, et par près de 2,5 fois lorsque les deux parents fument. La probable surreprésentation des enfants de fumeurs pourrait donc avoir biaisé les résultats du sondage*. 

La présentation des résultats par l’ACT est indigne

En bref, un sondage d’opinion a des limites inhérentes pour appréhender une problématique épidémiologique. Celui-ci a de plus été mené sur un panel excessivement faible de jeunes. Ces résultats ont été présentés de manière biaisée, lacunaire, inconsistante et déloyale par l’Alliance contre le tabac. Notamment :

  • occultation du nombre de l’échantillon et présentation trompeuse sous forme de pourcentages correspondants à des chiffres excessivement faibles,
  • amalgame de simples essais, de jeunes déclarant ne plus l’utiliser, aux utilisateurs occasionnels, et occultation de la faible proportion que représentent ces utilisateurs occasionnels,
  • affirmation d’une « initiation à la nicotine » par la puff sans aucun élément pour l’étayer,
  • occultation de la part de jeunes ayant fumé puis essayé la puff, alors qu’elle est plus de quatre fois plus importante que le chemin inverse mis en avant par l’ACT.

Il serait totalement irresponsable de s’appuyer sur ça pour prendre une décision politique impactant des millions de personnes.  Il est inquiétant que tant de journalistes, les signataires de la tribune au Monde et l’Académie de médecine n’aient pas vérifié les données avant de diffuser, appuyer et/ou reprendre à leur compte la communication trompeuse de l’ACT. Ce sont ces comportements qui nourrissent la défiance du public envers ces corps de métier. C’est navrant et honteux.

* Note sur la probable surreprésentation des enfants de parents fumeurs : Près de 46 % des 400 jeunes sondés ont au moins un parent fumeur, 19 % ont leurs deux parents qui fument. Cela correspond à 312 parents fumeurs (160 + 152). Avec 24,7 % de famille monoparentale en France, selon l’INSEE, on peut estimer qu’il y a 701 parents pour les 400 jeunes. 312 de ces parents fument, soit un ratio de 44,5 % de fumeurs. Selon les données de Santé publique France les plus récentes, il y a 31,9 % de fumeurs « courants » (25,3 % de fumeurs quotidiens) dans la population adulte en France. Les parents sont probablement dans les trois tranches d’âges de 25 à 54 ans, qui comptent une part plus élevée d’environ 10 % de fumeurs que la moyenne. Cependant Santé publique France n’a communiqué que les taux de fumeurs quotidiens par tranche d’âge, pas les taux des fumeurs « courants », c’est-à-dire quotidiens et occasionnels. Cette absence de donnée de SPF, force à faire une évaluation grossière de 35 % de fumeurs courants dans la population dans les âges les plus plausibles d’être parents. La proportion d’adolescents de parents fumeurs est probablement surreprésentée dans le sondage d’environ 20 à 30 %, ce qui aurait un impact sur les résultats.

Références:

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3 commentaires sur “Debunk du sondage de l’Alliance contre le tabac sur les puffs et les adolescents

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